Le xôi ou riz gluant, la riziculture, sont indissociable de la culture de l’Asie du Sud-Est en général et du Vietnam en particulier. Depuis la nuit des temps, les rizières façonnent hommes et paysages, créant une identité propre qui se retrouve dans les champs et les pagodes, sur l’autel des ancêtres et sur les tables des restaurants.
Il est impossible d’évoquer le Vietnam sans évoquer les somptueuses rizières en terrasse du Nord ou les immenses plaines verdoyantes du delta du Mékong. Plus qu’un aliment, le riz est un symbole. Aussi loin qu’on remonte dans le temps, dans les plus anciennes légendes du Pays du Dragon, le riz est présent. On pense d’ailleurs qu’à l’origine – il y a des milliers d’années, au temps des premiers Tay, Thai et Mom Khmers – le riz utilisé était un riz gluant, assez proche de celui consommé de nos jours. En nos temps modernes, il ne représente plus la base du repas quotidien, mais toutefois, il a su garder une place de choix pour les occasions spéciales et les grandes cérémonies, alors que jeunes et vieux apprécient toujours ce petit déjeuner rapide et copieux servi par les marchands ambulants.
L’importance du riz gluant et telle que des artistes ont célébré ses grâces et ses vertus – nous pensons en particulier au célèbre romancier Thach Lam qui écrivait dans son « Ha Noi 36 Pho Phuong » (Hanoi aux 36 vieilles rues) : « Riz gluant enrobé de haricot mungo, riz gluant aux arachides, riz gluant au sésame et à la noix de coco. Quelques poignées de riz gluant au sésame, ô combien succulent en bouche, mais qui ne coûte presque rien ! ».
Le riz gluant est également très présent dans les célébrations et les cérémonies religieuses. Pour la plus importante et la plus connue d’entre toutes, à savoir le Tet du Nouvel An Lunaire, on prépare les traditionnels Banh Chung et Banh Day, dont la naissance remonte aux légendaires rois Hung. Il est dit que le roi Hung avait demandé à ses 22 fils de préparer un plat d’exception pour offrir aux ancêtres, à l’occasion de sa succession. Alors qu’un de ses fils – le prince Lieu – était assoupi, un génie lui apparut en rêve et lui souffla : «Rien n’est plus grand que ciel et terre et rien n’est plus précieux ici- bas que le grain de riz. Nous allons confectionner deux gâteaux emblématiques (Le génie avait du vocabulaire). Ainsi donc, tu amasseras des grains de riz gluant, tu trouveras le meilleur soja et tu cueilleras de larges feuilles de bananier. Et comprends alors, Prince Lieu, que ce gâteau symbolise la terre, laquelle renferme arbres, rizières, montagnes et forêts ; elle est représentée par la couleur verte et la forme carrée. Dans le gâteau, il y a de la viande et du soja, signifiant que la terre porte en son sein animaux et arbres… Du riz gluant bien pilé et tassé autour représente le ciel, il doit être blanc, consistant, arrondi et courbe vers le dessus… ». C’est ainsi que cette légende engendra de nombreux autres contes ayant tous le riz comme dénominateur commun : il y a l’histoire du petit Giong qui se transforme en géant en absorbant de pleines marmites de riz et qui peut ainsi protéger le royaume contre les envahisseurs chinois ou cette fable qui fait intervenir la « Bonne Mère Khong » et ses grains de riz magiques pour protéger le peuple vietnamien. Et – comme souvent au Pays du Dragon – les contes et légendes se mêlent au réel dans les fêtes traditionnelles des différentes ethnies, qui ne manquent pas, par leurs rituels du riz, de célébrer la vie et un peu de rêve. Jusque dans les villes, on préparera le xôi vò (du riz gluant cuit de manière assez compliquée) comme cadeau de mariage et on n’oubliera jamais de poser un bol de riz garni d’un œuf dur sur l’autel d’une personne récemment décédée.
Le riz a été la base du développement de la société vietnamienne : sa culture a demandé à ce que des montagnes soient sculptées, des fleuves maitrisés et des terres inconnues défrichées. Une administration a été dédiée au riz, posant les passerelles entre le passé et le présent, le travail des anciens et le respect des jeunes, les ancêtres et le monde visible. Ce grain insignifiant est en quelque sorte un pacte entre le Ciel et la Terre.
Mais plus prosaïquement, le riz est tellement une affaire de quotidien que la langue courante en a fait des expressions comme avoir "du riz et des habits" (« com ao »), avoir "du riz en suffisance, les reins au chaud" (« no com, âm cât »), car "un grain de riz égale une pépite d'or" (« hat gao, hat vang »). On parlera de riz mais en des termes différents selon qu’il est en rizière, sur un étal de marché ou dans un bol, prêt à être dégusté. Jusqu’au verbe manger qui se dit «an com » (manger riz) et le moment de partage d’un repas en famille qui se dit bua com, ce qui se traduit par "le moment du riz cuit ». D’ailleurs c’est au moment du repas que l’enfant est sensé apprendre les règles en société (être servi en dernier, ne commencer à manger qu’après les anciens…) avec pour seule consigne : "laisse suffisamment de riz pour autrui et honore tes ainés, vivants ou morts !".
Le monde du riz gluant est un monde sans fin. Il se dit que même un Vietnamien ne sait pas combien de sorte de xoi il existe. Il faut dire que chaque région a ses particularités, en fonctions des ingrédients locaux et des habitudes de la cuisinière. Certaines ethnies sont réputées pour leur xoi en particulier, comme les Thai de Muong Lo, dans le Nord-ouest et leur Xôi ngu sac – le fameux riz gluant aux 5 couleurs.
Hanoi, la capitale, est connue pour ses variétés de xoi qui se déclinent aussi bien en version salée que sucrée. Si vous avez envie de quelque chose de simple mais rassasiant, le riz gluant au sésame moulu et aux cacahuètes (xoi vung lac), le riz gluant au maïs (xoi ngo) ou le riz gluant aux haricots mungo saupoudré de quelques échalotes croustillantes (xoi xeo, le péché gourmand de l’auteur de cet article) sont le moyen de satisfaire cette envie bien légitime. Pour un déjeuner ou un dîner complet, essayez du riz gluant avec sa garniture ; vous aurez le choix entre porc braisé, pâté de foie, des œufs au plat ou du poulet et même des grenades grillées si ça vous dit. Un must : le xoi thit kho tau (riz gluant avec porc au caramel à la chinoise). Vous êtes plutôt sucré ? Pensez à essayer le riz gluant en version che (xoi che).
Qu’il soit bien clair que le xoi, c’est du riz gluant cuit à la vapeur. Si pas de vapeur, pas de xoi. Le riz gluant est une variété de riz (gao nep), mais qui se definit aussi par sa cuisson. Il sera gluant – littéralement, de la colle – si vous le cuisez à l’eau bouillante. Par contre, avec une cuisson à la vapeur, les grains sont préservés, secs, mais juste assez collants pour faire une boulette.
Vous l’aurez compris, il n’y a pas qu’une seule manière de préparer le xoi. Cependant, la méthode la plus populaire est de faire tremper le riz gluant dans de l'eau chaude pendant plusieurs heures jusqu'à ce qu'il soit gonflé. Ensuite, le laver et ajouter un peu de sel et les autres ingrédients séparément, puis le placer dans une sorte d’autoclave (appelé cho au Nord, xung au Sud) dans lequel on verse de l'eau bouillante avant de le poser sur un feu, afin que le riz cuise à la vapeur sans toucher l'eau. La cuisson est à feu doux et dure quelques heures, jusqu’à ce que le riz soit bien cuit. La cuisinière moderne et citadine utilise aujourd’hui un cuiseur à riz avec fonction vapeur, mais il semblerait qu’une grande majorité garde la manière traditionnelle de cuire le xoi.
La recette la plus populaire. Vous trouverez xoi do xanh à toutes les fêtes et cérémonies ainsi que sur une majorité d’autels des ancêtres. Pour anecdote, certains en mangent des quantités, uniquement … par superstition : do, en vietnamien signifie « réussite ». Ses ingrédients sont très simples : riz gluant, haricots mungo et un peu de sel. Il accompagne à merveille un porc au caramel.
C’est le riz gluant rouge qu’on trouve inévitablement dans le culte rendu aux ancêtres pendant le réveillon du Nouvel An Lunaire. Il est associé à la chance à cause de sa couleur rouge. Oui, les gourmands superstitieux en mangent beaucoup aussi. Surtout s’ils sont étudiants. Le petit truc en plus : on n’oublie pas de rajouter quelques gouttes d’alcool de riz pour obtenir un beau rouge soutenu.
Tout simplement LE synonyme du petit déjeuner parfait à Hanoi ! Il se prépare comme un xoi do xanh, mais on ajoute du curcuma à l’eau de trempage pour donner une belle couleur dorée. Le vendeur vous prépare le riz, pose dessus l’émincé de boules de mungo et arrive la touche finale : des échalotes frites posées en équilibre sur le tout. On vous emballe cette merveille dans une feuille de lotus ou de bananier, ce qui permet de garder saveur et fraicheur. Addictif.
Spécialité de certaines ethnies du Nord du Pays, les couleurs sont obtenues à partir de feuilles bouillies et macérées, chaque communauté ayant ses préférences (par exemple, des feuilles de gingembre pour la couleur verte ; pour le noir, on utilise du riz gluant noir, de la feuille thau ou de la cendre de feuilles de gingembre…). Les 5 couleurs rejoignent la symbolique traditionnelle des 5 éléments de base du cosmos qui forment le yin et le yang. Chaque couleur a également sa propre signification. Le rouge symbolise l’aspiration, le violet la prospérité du ciel et de la terre, le jaune une vie aisée, le vert les montagnes et forêts du Nord-Ouest et le blanc l'amour et la fidélité. Coïncidence ? Chacune des couleurs du xoi ngu sac représente aussi les couleurs vives sur les costumes des jeunes filles Thaï…
Mais aussi : Xoi vo et xoi che, Xoi dua (à la noix de coco), Xoi san (au manioc)… Lors de votre prochaine excursion dans la capitale, soyez curieux et gourmand, dans cet ordre ou pas et régalez-vous !
- 500 g de riz gluant
- 300 g de haricot mungo
- 1 cuillère à café de sel
- ½ cuillère à café de curcuma en poudre
- 150 g de graisse de poulet
* Pour les échalotes frites
- 300 g d’échalotes
- Huile végétale
* Pour le Muôi vung
- 100 g de graines de sésame
- 100 g de cacahuètes
- Sel, poivre
- Faire tremper séparément le riz gluant et le haricot mungo pendant 4 à 8 heures.
- Nettoyer ensuite les haricots et les cuire à la vapeur pendant 30 minutes. Y ajouter le sel. Lorsque la cuisson se termine, piler le haricot chaud au mortier, ajouter un tour de moulin de poivre et faire des boules d’environ 80 g chacune. Laisser refroidir puis emincer .
- Égoutter le riz gluant, combiner avec ½ cuillère à café de sel, ½ cuillère à café de curcuma en poudre, puis faire cuire à la vapeur sur feu moyen pendant environ 30 minutes.
- Chauffer la graisse de poulet.
- Mélanger la graisse liquide avec le riz gluant bien cuit. Conserver au chaud.
* Échalotes frites
- Éplucher des échalotes, les nettoyer et hacher en rondelles.
- Dans une poêle, faire chauffer de l’huile végétale à feu moyen, verser les échalotes et frire jusqu’à ce qu’elles soient dorées et parfumées. Égoutter l’huile, laisser refroidir.
* Muôi vung
- Torréfier séparément les graines de sésame et les cacahuètes.
- Laisser refroidir. Puis piler au mortier et ajouter le sel, le poivre moulu. Mélanger le tout.
- Dans un bol, mettre le riz gluant, étaler une couche de haricot mungo et parsemer d’échalotes frites.
Déguster chaud avec le muôi vung.
Bon appétit avec Vietnam Original Travel !
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