Le riz et le canard sont depuis longtemps les compagnons des agriculteurs d’Asie du Sud-Est en général et du delta du Mékong en particulier. Traditionnellement, les riziculteurs lâchent des canards dans les rizières pour qu’ils se nourrissent des nuisibles pour les jeunes pousses et pour qu’ils engraissent les sols. Une pratique écologique mise à mal par la culture intensive, mais qui revient au gout du jour, suite notamment aux travaux d’un Japonais dans les années 1990. Il semblerait d’ailleurs que la tendance se soit rendue jusqu’en Camargue…
Un agriculteur japonais, M. Takao Furuno, est devenu célèbre et respecté après avoir remis au gout du jour cette idée d'agriculture traditionnelle asiatique et pour avoir systématisé une méthode de « culture riz-canard » au début des années 90. En appliquant cette méthode, les agriculteurs peuvent cultiver du riz et élever des canards en même temps, dans la même rizière. Une méthode à la fois écologique et peu couteuse, qui demande pratiquement aucune main d’œuvre et qui donc convient parfaitement aux petits exploitants. En 1994, Hai Phong a donné le signal de ce type de culture « win-win » pour parler comme les économistes endimanchés, suivie des Provinces de Bac Can, Hoa Binh, Son La, Thua Thien Hue, Dong Thap et Ben Tre. Depuis, la méthode de Takao Furuno est appliquée un peu partout par les agriculteurs qui souhaitent améliorer leurs revenus de façon écologique, ce qui était loin d’être gagné d’avance.
Laissés en liberté dans les rizières, les canards vont se nourrir des parasites, crustacés et autres escargots grands amateurs de jeunes pousses de riz. Ils vont également se régaler des jeunes plants de mauvaises herbes en grattant la terre. Des gens qui savent compter ont dit que ces palmipèdes représentent une économie de 240 heures de travail de désherbage manuel par hectare. La nature étant bien faite, ils (les canards, pas les comptables) ne sont pas fans des jeunes plants de riz. Ceux-ci pourront donc pousser en toute tranquillité, étant débarrassés de leurs prédateurs tout en ayant les pieds dans une terre oxygénée et parfaitement amendée par les canards. Ce qui aura le don de mettre lesdits canard en joie, une joie qu’ils montreront en donnant des œufs (pardon, des protéines, comme ils disent en ville) aux agriculteurs. Ajoutez à cela que nos volatiles restent dans les rizières 24 heures sur 24 (une simple barrière suffit à les protéger des chiens) et qu’ils se contentent d’un carré de terrain au sec pour manger des restes de riz, histoire d’équilibrer leur repas. Ils resteront dans les rizières jusqu’à la montée en graine. Un nouveau cycle peut commencer : l’agriculteur, tout content lui aussi, montrera sa gratitude en l’invitant à déjeuner (cf. plus bas, dans cet article).
Pour être honnête avec vous, je dois confesser que le canard n’est pas tout seul à faire le job. Il y a une plante aquatique (qui abrite une bactérie), qui se développe à la surface de l’eau, une couverture qui profite aux poissons qui vivent ici. Ceux-ci mangent les fèces des canards et des daphnies (puces d’eau) mangent le plancton. Les poissons et les canards produisent de la fumure pour les plants de riz ; ces derniers offrent un abri pour les canards. Et la boucle est bouclée. Bien administrés, 2 hectares de rizières produisent 7 tonnes de riz, font vivre 300 canards et donnent des légumes pour 100 personnes.
Moins mis en scène que le cochon, le poulet ou le rat, le canard fait quelques apparitions dans la peinture Dong Ho, en particulier dans la série de 4 estampes représentant deux couples : Vinh hoa (un garçon tient un coq) – Phu quy (Une fille tient un canard) et Nhan nghia (un garçon tient un crapaud) – Le trí (une fille tient une tortue). Autrement dit : Réussite (Prospérité) et Humanité (Loyauté).
Dans la représentation religieuse, avec l’éléphant, le canard est associé au Bouddha. Quant aux contes et légendes, j’ai entendu parler d’un conte Muong, mais sans autres détails. Par contre, je vais répondre à l’angoissante question que tout le monde s’est posé au moins une fois dans sa vie :
A cette question très pointue, les Vietnamiens ont une explication à donner.
Plaçons le décor : nous sommes aux premières heures de la Création du Monde, les êtres vivants se découvrent, se tâtent, s’observent, se comparent. Globalement, tout va bien, mais certains râlent et font la tête. En particulier, quatre canards qui réalisent qu’ils n’ont qu'une seule patte chacun. Non seulement c’était loin d’être confortable pour se déplacer, mais de plus, à ce qu’ils voyaient autour d’eux, il y avait nettement mieux pour trouver à manger. Navrés, moroses et un poil jaloux, un beau jour tout neuf de début du monde, ils décident d’inventer la réunion de doléances et de discuter de leur regrettable situation. Le brainstorming qu’ils viennent également d’inventer rend son verdict : au point où ils en sont, il faut qu’ils intentent un procès… au Ciel Lui-Même, Créateur de toutes choses. Restait un problème. Ou plutôt deux. Ils ne savaient pas où était le ciel. Ils ne savaient pas rédiger une plainte.
L'un d'eux suggère alors qu'ils devraient peut-être se tourner vers le coq pour obtenir de l'aide. Les trois autres d’objecter que sa calligraphie laissait franchement à désirer, au point qu’il n’était pas du tout certain que quelqu’un au Ciel puisse lire leur doléance. Mais il n'y avait personne d'autre vers qui se tourner, alors après avoir cancané et grogné (tentative infructueuse) pendant un certain temps, les quatre sont allés chercher le coq, qui s’est avéré aimable et honoré de leur demande. Sans ergoter, il leur a griffonné leur lettre.
Suite à quoi, notre congrégation d’unijambistes de tenir une autre réunion pour discuter de qui allait porter leur missive revendicatrice. Parce que… on a beau dire et on a beau faire, la route vers le Ciel est tout, sauf une autoroute vers le Paradis. Elle est réputée être longue et semée d’embuches et disait-on, encombrée de nombreux pièges. Voilà qui n’était pas pour encourager un de nos palmipèdes à l’emprunter sur une patte. Alors qu’aucun ne manifestait visiblement un enthousiasme à se mettre en route, le coq – qui avait entendu la discussion pour le moins animée – s’approche des canards et tousse discrètement : peut-être pourrait-il se rendre utile d’une autre manière que tout a l’heure ? A la bonne heure ! s’exclame le chœur de palmipèdes. Encouragé par un tel accueil, il précise : «Non loin d'ici il y a un temple dont je connais le dieu ; je pourrai lui donner une lettre d’introduction pour qu’il intervienne en plus Haut Lieu ». Vous avez déjà vu un canard sourire bec en grand ? Alors imaginez-en quatre ! Et messire coq de chausser ses lunettes et de rédiger la missive salvatrice. Une fois chose faite, nos compères se mettent en route vers le temple. Alors qu’ils franchissaient le seuil, une voix forte et impérieuse se fait entendre : « Nom de Moi ! Mais qui m’a mis un brûle encens à huit pieds ? C’est à quatre pieds qu’il doit être ! ». En colère et autoritaire, la voix gronde encore : que quelqu’un ôte immédiatement ces 4 pattes ridicules ! ». Les canards s’arrêtent net. "C’est quoi cette voix ? C’est quoi un brûle encens ? Un quoi ? Je ne sais pas, mais il est question de 4 pattes à retirer, non ?". Clopin-clopant, ils déboulent dans le temple, sous le regard courroucé d’un dieu fixant rageusement l’objet de culte et de sa colère. Un canard ne pouvant claquer des dents par nervosité, il ne peut que compter sur son courage pour faire passer la peur : « Votre Très Haute Seigneurie, voici une lettre pour Vous, que notre voisin et néanmoins ami messire coq a rédigé, ainsi que cette autre missive, qui contient nos doléances. C’est rapport à nos pattes, Votre Grandeur. Voyez, nous n'avons qu'une jambe chacun, ce qui tend à prouver qu’il nous en manque quatre ». Celui qui s’était autopromu porte-parole du groupe arrête de bredouiller, tout impressionné de sa propre audace. Hésitant et balbutiant comme une pucelle découvrant le pot au rose, il ajoute : C’est-à-dire que… tout a l’heure… vous avez parlé de retirer quatre pattes du brûle-encens et alors…heu…on s’est dit, que… heu… ».
Un ange passe. Et il prend son temps, le bougre. Le dieu a les yeux écarquillés. Finalement, il éclate d’un rire tonitruant, comme seuls les dieux savent rire. « Allez mes bons amis ! Je vous les donne, ces quatre pattes ! », dit-il entre deux étranglements de rire. A-t-il vraiment fait un clin d’œil au brûle-encens, comme l’affirmera un célèbre historien plus tard ? Toujours est-il qu’il termine cet improbable entretien par ces mots : « Mais attention ! Ces cuisses que voici sont en or pur et sont très précieuses ; gardez-les soigneusement ». On leur aurait fait promettre d’aller pêcher de l’eau qu’ils auraient dit oui. Les voilà donc – après moults courbettes et révérences de remercîments – sur le chemin du retour. Ils ne trainent pas pour attacher quasi magiquement chacun une patte et ne tardent pas à marcher comme leurs congénères.
Mais ils avaient fait une promesse, n’est-ce pas. C’est pour cette promesse que la nuit tombée, alors qu’ils commencent à s’endormir, ils remontent la jambe que le dieu leur a offert, pour que personne ne puisse la voler. Au début, ils étaient les seuls à avoir cette habitude. Puis au fil du temps, leurs semblables firent de même. La coutume est restée jusqu’à nos jours…
A priori, ça ne date pas d’hier. On attribue à la Chine la paternité de la domestication du canard et de là, les façons de le cuisiner. Il y a bien sur l’incontournable canard laqué (Vit quay) mais pour l’anecdote, en préparant cet article, je suis tombé sur un article détaillant 18 (!) façons de cuisiner la bestiole, dont un improbable canard au crocodile (véridique : en vous aidant de la piètre traduction de Google, jetez un œil ici). Nous, on va rester sur du simple, n’est-ce pas ? Je vous propose donc deux recettes peut-être moins connues, mais (vous pouvez croire l’auteur de ces lignes) très savoureuses.
Ingrédients (pour quatre personnes)
Canard : 1 oiseau d'environ 1 à 1,5 kg.
Gingembre : 1-2 bulbes au goût
Oignons séchés, oignons verts, ail, piment.
Sauce de poisson, 5 épices, poivre moulu, sucre.
Préparation
Étape 1 : nettoyer le canard
Si votre canard n’est pas né sous blister plastique, il faut le désodoriser en le faisant bouillir, ou en le laissant a tremper dans de l’eau vinaigrée additionnée de gingembre, ou encore en le lavant au gros sel + citron.
Le sécher et le découper en morceaux de la taille d'une bouchée.
Étape 2 : La marinade
Couper le piment et le gingembre en petites tranches. Épluchez l'ail et les oignons, puis les émincer ou les réduire en purée. Mettre la viande a mariner dans cette préparation avec 1 cuillère à café de sucre, les 5 épices, le poivre moulu, un peu de sauce de poisson, idéalement au moins 30 minutes au frais.
Étape 4 : Faire dorer le canard
Mettez la casserole sur la cuisinière et ajoutez l'huile pour la réchauffer. Ajouter un peu d'ail et de gingembre émincés dans la poêle et faire frire jusqu'à ce qu'ils soient parfumés.
Mettre la viande de canard dans la poêle à feu vif et faire sauter rapidement.
Si vous sentez que la viande est sèche, ajoutez un peu d'eau et portez à ébullition à feu doux jusqu'à ce que le canard soit cuit uniformément.
Servir avec un riz blanc. Ici, de nombreuses familles aiment l'arôme de la citronnelle, elles ajoutent également de la citronnelle hachée au sauté de canard.
Ingrédients (pour quatre personnes)
Canard de 1-1,5 kg
Pousses de bambou fraîches (si possible) : 500 grammes
Citron frais : 1 fruit
Oignons verts : 1 petit bouquet
Gingembre frais : 1 pièce
Coriandre : 1 petit bouquet
Vin blanc : 100 ml
Ail séché : 1 bulbe
Oignons séchés : 3 bulbes
Vermicelles frais : 1kg
Épices : huile de cuisson, sel, assaisonnement, sucre, poivre...
Préparation
Pensez d'abord à désodoriser le canard avec du vin et du gingembre ou vous pouvez utiliser du sel et du vinaigre (ou du citron), puis le laver et le couper en morceaux de la taille d'une bouchée.
Hache l’ail et l’oignon, les oignons verts et la coriandre après le lavage également puis pelez et tranchez le gingembre.
Ensuite, lavez les pousses de bambou fraîches et les faire bouillir plusieurs fois pour éliminer le goût amer. Sautez cette étape si vous n’avez pas de pousses fraiches. Détaillez les pousses de bambou en morceaux de la taille d'une bouchée.
Faire dorer le canard à la poêle. Egoutter l'huile.
Mettre à mariner la viande : mettre le canard dans un bol et le faire mariner avec un peu de sauce de poisson, du sel, du sucre et un peu d'oignon et d'ail émincés. Bien mélanger.
Faire revenir l’ail et l’oignon puis ajouter les pousses de bambou qu'elles soient croustillantes. Assaisonnez à votre gout.
A la poêle, faire frire l'oignon et l'ail jusqu'à ce qu'ils soient parfumés, puis ajoutez le canard et le gingembre. Faire sauter. Ajouter un peu d’eau et laisser mijoter (la viande doit être tendre).
Poser les pousses de bambou par-dessus. Ajuster l’assaisonnement et finir la cuisson pendant environ 5 mn.
La soupe de pousses de bambou au canard est prête, on peut la manger avec des vermicelles avec un peu d'oignon et de coriandre.
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