Ca phe vot Sai Gon emplit de nostalgie les anciens saïgonnais et intrigue les jeunes citadins. Mais qu’est-ce donc que ce café raquette ? Et puisque nous abordons des rivages mystérieux, partons faire connaissance avec une spécialité de Hué, l’ancienne capitale impériale : le café salé.
Le Ciel soit loué, les Français n’ont pas apporté que le brocoli en colonisant les pays d’Indochine, ils ont aussi apporté le café. En 1857, pour être précis. En fait, le café a été Introduit en Asie à partir du 15ème siècle, mais on ne peut pas dire que son entrée au Vietnam a été remarquée et remarquable. A l’aube des années 1900, on a tenté avec plus ou moins de bonheur d’acclimater les plants de caféier dans les régions du Nord-Vietnam, nuitamment à Tuyen Quang, Lang Son et Ninh Binh. Il a fallu tester les sols, les altitudes, les climats des autres régions et il a fallu surtout l'ouverture des Hauts-Plateaux courant 1900 pour que le caféier vietnamien trouve ses marques et ses aises. C'est l'Arabica qui a d'abord été testé dans le Nord puis dans le Centre (Quang Tri, Bo Trach, ...). Après récolte, il était transformé sous la marque Arabica du Tonkin puis exporté vers la France. Depuis 1925, les Hauts-Plateaux sont réputés pour leurs caféiers – Arabica pour Lang Biang et Robusta pour Dak Lak. De nos jours, les provinces de Bien Hoa, Lam Dong et Dong Nai dans les hautes terres produisent environ 80% de tout le café cultivé au Vietnam.
De tentatives en échecs, de réussites en lassitude, au fil du temps les cultures s'améliorent, les surfaces de plantation s'agrandissent et d'une culture pratiquement exclusive d'Arabica (avec un peu d’Excelsa), on développe de plus en plus le Robusta. Cependant, pendant de longues années, guerre et conflits n’ont pas été de nature à stimuler l'expansion de la culture du café. Il faut attendre l'arrivée du Doi Moi (Politique du Renouveau) et l'économie de marché, dans les années 1986/1990 pour que la production trouve une vitalité qui ne se démentira plus jusqu’à nos jours. Aujourd'hui, pratiquement toutes les villes du Vietnam offrent pléthore de café-philo, café-lectures, café-samedi et autres café-gamberge, dans des lieux cosy, branchés, vintages, improbables, tendance, sur un bout de trottoir… perpétuant ainsi la tradition de convivialité, d'échanges et de créativité des maisons de café.
Le café raquette (qu’on appelle aussi café chaussette, mais avouons que ça sonne quand même moins… savoureux) est né dans le Saigon des années 1950. L’aberration du café dosette en vogue de nos jours n’existait pas encore et la cafetière à l’occidentale ne se trouvait que dans les ménages aisés. Ces années voient l’arrivée de migrants chinois de Malaisie, pour la plupart ouvriers, manœuvres ou encore porteurs. Ils s’installent à Cho Lon – qui plus tard deviendra le Chinatown de Saigon – avec femme, enfants et bagages. Et spécialités culinaires qui essaimeront rapidement dans le pays aux palanches, non sans avoir subi quelques ajustements locaux. Au chapitre des us et coutumes de cuisine, ils apportent une façon bien particulière de préparer le café.
Les choses se sont passées très simplement, autour du petit déjeuner. Depuis toujours, Cho Lon – littéralement le grand marche – est un marché de gros qui voit passer entre ses étals débordants des charriots lourdement chargés, poussés-tirés par des forçats de la manutention. Ceux-ci prenaient donc des forces des potron-minet, le petit déjeuner consistant en un gâteau au poivre et sésame frit, arrosé d’un café brulant. Surprise ! Le café était infusé dans une sorte de raquette en tissu, qui, une fois remplie de café moulu, prenait une forme faisant irrésistiblement penser à une chaussette. Apres avoir fait trempette dans un pot de céramique contenant de l’eau bouillante, il s’en écoulait un breuvage sombre, aromatique, à la saveur ni forte ni fade, un peu grasse, à l’opposé du « jus de chaussette » comme on l’entend en Occident. Si vous connaissez déjà le café vietnamien, vous connaissez certainement le filtre en métal utilisé pour infuser le divin breuvage. Il en ressort un café absolument délicieux, certes, mais force est d’avouer qu’il faut un minimum de patience avant d’avoir le plaisir de la dégustation. Petite parenthèse : si vous ne connaissez pas encore le café vietnamien, il est urgent de contacter une agence de voyage spécialiste du Vietnam pour remédier à cela. Ceci étant dit, pour nos travailleurs dans le quartier de Cho Lon, il fallait un café réveille-matin, qui ne s’embarrasse pas de filtre en inox ou en alu ni de goutte à goutte, mais qui soit bon et efficace dans le meilleur des temps. D’ailleurs, la bouilloire en alu reste le cul au chaud sur son brasero, il y aura toujours de prêt un café bien chaud, pour celui qui demande. Avec le café raquette, on est donc – toujours actuellement – sur un café populaire, sans chichi. Authentique et aux saveurs aussi caleuses que les mains qui empoignaient autrefois la tasse pour le boire. Le succès du café raquette a fait que ce mode de préparations est parti du district 5 pour se répandre petit à petit dans les autres districts, jusqu’à devenir une sorte de signature culturelle des pauses café de Saigon.
Je viens de dire « toujours actuellement », mais malheureusement, comme pour beaucoup d’autres choses, le modernisme a peu à peu chassé le rituel du café raquette du matin. Il reste moins de 5 établissements de nos jours à Ho Chi Minh-ville qui perpétuent cette odorante et savoureuse tradition. De plus, vous ne les trouverez pas sur les grands boulevards, néons clignotants et karaoké beuglant. Un café raquette se boit à l’ancienne, dans ces refuges qui n’ont ni wifi, ni climatisation, souvent dehors, sur un modeste trottoir. Rien de sophistiqué. Que le gout. Et la nostalgie d’un Saigon des années 1950.
Alors que dire du sel dans le café ? Car c’est bien de café salé dont je vais vous parler aujourd’hui. Je n’avais pas envie de vous importuner, cher lecteur gourmand, avec une énième recette de café aux œufs ou à la noix de coco. Et puis j’aime bien cette opposition entre un café populaire comme le ca phe vot et ce café des rois et des empereurs de Hué, le ca phe muoi ou café salé en français. En fait, pour être franc, cette liaison entre les deux breuvages est pur mensonge littéraire : le café salé est né il y a moins de 10 ans, à Hué. Mais Hué étant ce qu’elle est, il y a toujours un peu de sophistication dans tout ce qu’elle produit. Le café salé de Hué est donc d’une origine modeste dans une ancienne capitale royale.
Mais… Car il y a un « mais ». Les habitants des pays du nord de la Scandinavie, de la Sibérie, de la Turquie et de la Hongrie affirment que le café salé fait partie de leur culture depuis la nuit des temps (ils utilisent de l’eau saumâtre pour préparer leur café). Voilà qui est dit.
Autre détail, il n’y a - à ce jour et autant que je sache – que 2 établissements dans la cité qui préparent le vrai café salé au gout original. La recette donnée ici et reprise dans la vidéo s’en approche du mieux qu’elle le peut. Da Nang et Da Lat savent elles aussi préparer un excellent café salé.
La vraie façon de préparer et de déguster un authentique café salé est… de prendre son temps. Si vous n’avez pas lu ci-dessus le paragraphe sur le café raquette, c’est le moment : ici on prend le temps de laisser le café s’écouler goutte à goutte depuis son écrin d’aluminium jusqu’aux couches alternées de lait concentré et de lait fermenté salé. On oublie l’existence même du mot expresso, le percolateur appartient à un autre monde, on entre dans un rituel réservé à quelques inities. Vous allez me dire que j’en fais des tonnes. Oui. Mais ce café est vraiment à part. Plus sérieusement, tout l’art réside dans le dosage du sel. Ce dernier a pour rôle de neutraliser, de faire ressortir la douceur du lait et de contrôler l'amertume du café. Pur le dire autrement, le rôle du sel dans le café n'est pas d'augmenter la salinité ou de modifier le goût du café après infusion, mais plutôt de stimuler les papilles gustatives sur la langue. De ces éléments qui n’auraient jamais dû se rencontrer nait une alchimie de gout peu perceptible à la première gorgée, qui s’insinue gentiment mais fermement en fond de palais. On prend une autre gorgée, pour vérifier l’information. Ça y est, on est addict. Il y a un peu du latte, mais en plus gras, avec des équilibres salé/sucré/amer d’une rare élégance (on est à Hue, après tout). L’essayer, c’est l’adopter. Pour des occasions un peu particulières, ou simplement se faire plaisir et étonner ses convives.
La vidéo présente une autre méthode, peut-être un peu plus simple. N’hésitez pas à faire des essais.
Ingrédients pour une tasse :
Café moulu : 25g (environ 3 cuillères à café) Si vous n’avez pas le filtre en alu typique du ca phe phin vietnamien, vous pouvez prendre du café soluble
25 ml de lait concentré
100 ml d'eau à 95 degrés Celsius
200 ml de crème fraiche
5 g de sel fin
Glace si vous le voulez
Préparation
Rincez le filtre à café à l'eau bouillante. Cela aidera à réduire la différence de température pendant l’infusion du café et gardera le filtre au chaud, ce qui aura pour effet secondaire une dilatation uniforme du café et donc un gout plus riche (rappelez-vous, on est à Hue…)
Mettez 3 cuillères à soupe de café moulu dans le filtre. Placez-le sur le dessus du verre. Pressez doucement le café.
Versez environ 50 ml d'eau bouillante dans le filtre pour infuser le café pendant environ 2 minutes afin que la poudre de café se dilate uniformément. Continuez à verser encore 50 ml d'eau bouillante dans le filtre. Attendez que le café s'égoutte jusqu'à ce que l'eau du filtre soit épuisée.
En attendant que le café s'égoutte, ajoutez 5 g de sel à 200 ml de crème fraiche. Utilisez un mélangeur pour fouetter le mélange pendant 2-3 minutes.
Ajoutez 25 ml de lait concentré au café infusé. Ajoutez ensuite 15 à 20 ml de mélange de crème salée pour obtenir une tasse de café salé (presque) comme à Hue.
Dégustez lentement et Vietnam Original Travel vous souhaite de bonnes dégustations !
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