Cléopâtre – parait-il – ne jurait que par lui. Non, pas Jules César, mais… le cornichon mariné, garant selon elle, de sa beauté et de sa santé. De nos jours, qui en France n’a pas, au fond de son frigo, un bocal de cornichons en saumure, baptisé pompeusement « pickle », un mot à la mode emprunté aux anglais pour finalement désigner toutes sortes de légumes en saumure. Au Vietnam, c’est une large gamme de couleurs et de saveurs qui accompagnent à peu près tout.
Avant d’être agriculteur, l’homme savait déjà fermenter des feuilles sauvages. Avant d’avoir le souci d’éviter le scorbut en mer ou de savoir maximiser l’utilisation des légumes cultivés en temps de guerre, le chou fermenté était déjà connu dans l’Empire du Milieu il y a environ six mille ans et a servi d'aliment de base à ceux qui ont construit la Grande Muraille de Chine (il se dit que ces bâtisseurs auraient laissé par hasard fermenter du chou durant un hiver très rude). On pense d’ailleurs que ce sont les Mongols du Nord de la Chine qui ont amené avec eux la toute première choucroute et son utilisation se serait ensuite répandue dans toute l’Europe via les tribus migratoires. Aujourd’hui encore la Sauerkraut en allemand ou Sürkrüt en alsacien (de kraut, qui signifie littéralement « herbe » mais aussi localement « chou », et sauer, qui signifie « aigre ») est un plat très apprécié en Alsace et Outre-Rhin. Quand on y pense, il est curieux de voir que ledit plat, très fortement ancré dans son terroir, a des origines aussi lointaines, géographiquement parlant…
A l’autre bout du monde, à peu près à la même époque, le marinage - la conservation des aliments dans du vinaigre, de la saumure ou une solution similaire - figure l'une des plus anciennes méthodes de conservation des aliments. Bien que les origines exactes du processus soient inconnues, les archéologues pensent que les anciens Mésopotamiens ont mariné des aliments dès 2 400 avant notre ère. On sait également que plusieurs siècles plus tard, des concombres originaires d'Inde étaient marinés dans la vallée du Tigre. En 50 avant l’ère commune, le cornichon mariné a les faveurs royales de Cléopâtre qui en fera son booster de santé et le compagnon ineffable de sa beauté légendaire. Pendant ce temps, son brave Jules (César) donnait des cornichons à manger à ses troupes dans la conviction qu'ils les rendraient forts.
L’histoire contemporaine de la lactofermentation, puisque c’est bien de cela dont il s’agit, est mieux documentée. Ceux qui veulent approfondir le sujet peuvent dévorer le livre de Marie-Claire Frédéric, Ni cru, ni cuit, ed. Alma, une somme historique et sociologique passionnante sur la fermentation, avec quelques recettes dedans.
Le processus de lactofermentation se base sur l’activité bactérienne, autrement dit : la fermentation lactique est un procédé de conservation des aliments qui consiste à laisser macérer les aliments en l’absence d’oxygène. Cette macération va permettre la prolifération des bactéries lactiques (rien à voir avec le lactose ou le lait), qui sont des bactéries très bénéfiques pour notre organisme. Ces bactéries, appelées probiotiques, produisent du dioxyde de carbone et acidifient le milieu. De ce fait, nul besoin de stérilisation puisque l’acidité élevée empêche le développement de micro-organismes pas bénéfiques du tout. Mais les controverses concernant la consommation de produits fermentés sont nombreuses et leurs impacts sur le corps humain sont toujours sujets à débat au sein de la communauté scientifique. Face au risque – bien présent – de voir se développer de mauvaises bactéries, la pasteurisation et la stérilisation ont pris le dessus comme méthode de conservation, laissant tomber en désuétude le marinage. Actuellement, face à la recrudescence de troubles intestinaux, face au nombre croissant de bactéries aptes à générer des antibiotiques, la lactofermentation reprend un peu d’intérêt et de vigueur.
Mais c’est aussi (surtout ?) le gout qu’apportent les légumes marinés qui ont fait, font et feront la différence… Les légumes fermentés sont une catégorie d’aliments commune en Asie, tout particulièrement au Japon, qui en a fait quasiment un art, les tsukemonos, ainsi qu’au Vietnam. Quant à la Coree, le Kimjang - processus traditionnel de préparation et de conservation du kimchi, le plat de légumes fermenté typique et épicé – a été reconnu patrimoine immatériel de l’UNESCO. Les possibilités qu’offre cette façon de « cuisiner » ou plutôt de « préparer » sont infinies : on peut fermenter et conserver les légumes dans le sel, le vinaigre, le sucre, le miso, la sauce de soja... Au Vietnam, on a même le Nem chua, à base de viande de porc fermentée.
Si vous avez déjà fait un voyage au Vietnam, vous avez certainement déjà goûté ces délicieux petits légumes aigres-doux que l’on trouve toujours en accompagnement de grillades ou du fameux porc au caramel et aux œufs (si vous y étiez lors du Têt du nouvel an vietnamien). Encore plus fréquemment, vous avez dû faire leur connaissance dans un Bo bun et surtout dans le fameux Banh mi. Si vous avez eu l’occasion de visiter le Sud du Vietnam, vous aurez probablement gouté au com tam, ce plat à base de brisures de riz accompagné de travers de porc, de couenne de porc émincée parfumée et frite, d’omelette et… de Do chua de carottes et radis blanc. Très populaires donc, les Do chua sont appréciés non seulement pour leur côté croquant, frais et coloré, mais leur goût aigre-doux typique agrémente agréablement les salades et attenue le goût du gras des grillades et des plats mijotés.
J’oubliais de vous dire : Do chua signifie littéralement « truc/chose aigre/mariné ». Ça ne s’invente pas…
Vous vous en doutez, il existe plusieurs façons de faire des légumes aigres-doux. A commencer par le choix des légumes, puis à quel usage vous destinez votre Do chua (salade ou accompagnement de viande) et enfin, quelle tonalite lui donner : plus ou moins parfumé, épicé, vinaigré. Sur la liste des légumes les plus populaires pour les Do chua, on trouve les carottes, le radis blanc (le fameux Daïkon), le concombre, le chou vert, l’oignon et autres échalotes. Mais il existe aussi des variantes gourmandes moins fréquentes comme les liserons d’eau ou encore les tiges de lotus. Pour mettre dans un bo bun, les carottes, râpées ou débitées en allumettes, sont mises à mariner dans un simple mélange de vinaigre, d’eau et de sucre. Si vous destinez votre Do chua à l’accompagnement d’une viande, vous préparerez une marinade plus épicée avec de l’ail et du piment, parfois parfumés avec du gingembre.
Remarque : si les deux idées de recette qui suivent utilisent les principes de la lactofermentation, elles n’ont pas vocation à être des conserves longue durée, mais à être dégustées (presque) immédiatement.
Autre remarque : le rapport idéal d’une marinade de Do chua est traditionnellement : 1 volume d’eau, 1 volume de vinaigre et ½ volume de sucre. Si cela ne convient pas à vos papilles, vous pouvez modifier ce rapport. De même pour les légumes : certains aiment beaucoup le Daïkon et en mettront plus que de carottes dans leur mélange, d’autres feront l’inverse, histoire de gout et de texture. Faites vos essais et régalez-vous !
Le classique d’entre les classiques – qui a le mérite de ne pas demander de tige de racine de lotus ou de la mangue verte (c’est très bon, mais un tantinet compliqué à trouver en France).
Ingrédients :
Carotte : 1 pièce
Radis blanc (Daïkon) : 1 bulbe
Vinaigre de riz : 1/2 tasse
Sucre granulé : 1/2 tasse
Eau bouillante : 1 tasse
Sel de mer
Facultatif : un morceau de gingembre, ail et poivre
Préparation :
Chauffer l’eau avec le sucre et le vinaigre, ajouter le gingembre, le poivre et l’ail. Laisser refroidir.
Laver, peler les légumes, couper selon la forme souhaitée (en julienne, en rondelles… soyez créatif). Saupoudrer les légumes de sel et laisser dégorger pendant 10 minutes. Presser pour égoutter et enlever l’excédent d’eau.
Répartir dans les pots (idéalement en verre) et verser la marinade vinaigrée de façon à couvrir les légumes
Bien fermer les bocaux. Les Do chua sont prêts après une nuit de marinade
(Re) découvrez les pousses de haricot mungo avec cette marinade aigre-douce, fraiche et croustillante
Ingrédients :
300 g de haricots germées
Un peu de sel ou 5 ml de sauce de poisson
Un peu d'ail émincé
10 ml d'huile de sésame
10 g de sésame torréfié
30 g d'échalotes hachées
Piment rouge
Préparation :
Laver les germes de soja et les mettre dans une casserole avec environ 60 ml d'eau.
Couvrir, baisser le feu à moyen et cuire environ 5 minutes. Lorsque vous voyez de la vapeur sortir de la casserole, remuez 2 à 3 fois, puis éteignez le feu.
Mettez les germes de soja dans un panier pour les égoutter, puis laissez reposer les germes pendant environ 2 minutes.
Mettez les germes de soja dans un bol, ajoutez le sel, l’ail, l'huile de sésame, le sésame (torréfié à la poêle antiadhésive), les oignons verts hachés, un peu de piment émincé et mélangez bien, laissez reposer quelques minutes puis assaisonnez au goût !
Vietnam Original Travel vous souhaite de délicieux partages gourmands !
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