L’histoire de la cuisine vietnamienne est étonnamment complexe. Si son identité remonte à la nuit des temps, il s’avère qu’elle est le fruit de multiples influences civilisationnelles, dont un héritage français indéniable.
C’est dans le Nord Vietnam actuel qu’est né le premier État proprement vietnamien, après mille ans de domination chinoise. Cette très longue période sous le joug de l’Empire du Milieu a profondement marqué le quotidien des Vietnamiens : depuis la religion bouddhiste jusqu’aux modelés de gouvernance basés sur les concours mandarinaux, en passant par les idéogrammes et l’usage des baguettes, tous les aspects de la vie de tous les jours ont été fortement impactés. D’ailleurs, pour l’anecdote, si effectivement on doit l’utilisation des baguettes aux coutumes chinoises, elles n’ont pas toujours été aussi répandues que de nos jours. Au Moyen Age, seules la famille royale et l’aristocratie avaient le droit de les utiliser. Leur emploi s’est largement démocratisé depuis et aujourd’hui, les enfants à partir de trois ans commencent à s’initier à l’art de manipuler les baguettes.
L’influence chinoise est visiblement présente et ce, jusque dans la cuisine et d’une manière plus subtile qu’il n’y parait. C’est encore grâce aux Chinois que les techniques rizicoles se diffusent (il existe bien de belles et nobles légendes à ce sujet, mais on ne plaisante pas avec la nourriture, restons donc pragmatique). Les rois du Vietnam fondent leurs premières cités dans le Delta du Fleuve Rouge. Il a très vite fallu un système de gestion efficace ne serait-ce que de collecte des impôts (un trait commun à toute civilisation, n’est-ce pas). C’est à ce moment-là que nait un système social basé sur une fédération de villages (plus ou moins) fortifiés. Vous me direz que je m’éloigne de mon sujet… Pas tout à fait : cette structure fondamentalement communautaire a forge une quantité de traditions et de rituels toujours d’actualité. L’exemple le plus flagrant pour notre sujet du jour est le culte aux ancêtres : à cette occasion, pour commémorer l’anniversaire de la mort d’un proche, on plante des batônnets d’encens dans une urne, on sert du riz en une seule fois et normalement, on fait venir des musiciens. C’est pour ne pas faire référence à la mort qu’à table, un Vietnamien ne plantera jamais ses baguettes dans un bol de riz, que le riz en question sera généreusement servi plus d’une fois et que notre convive s’abstiendra de faire du bruit avec ses baguettes. Influence subtile, n’est-ce pas ? C’est d’ailleurs ce même esprit communautaire, inféodé au confucianisme, qui rend la cuisine du Vietnam totalement à part en Asie, notamment dans sa street food.
Par la suite, la culture villageoise au Nord Vietnam s’est forgée à l’aune de la nécessité de se défendre contre les envahisseurs chinois. Etant très souvent – tout le temps – en conflit, difficile d’avoir le temps de construire des villes fortifiées. A l’instar de Hanoi qui restera la ville aux cent villages, on est plutôt sur une communauté de villages, ce qui se traduit aujourd‘hui par la formidable diversité de la cuisine de rue, campagnarde, simple, mais raffinée.
Dans le souci de faire court, je passe volontairement sur les influences cham, l’héritage de la cuisine royale de Hue et l’influence de la dynastie des Nguyen dans les cuisines vietnamiennes pour en venir directement à notre plat de résistance. Pour résumer en quelques mots, disons que, comme partout ailleurs, la cuisine ne se limite pas aux recettes. C’est aussi un système de mœurs sociales autour d’une table. Le confucianisme a codifié la manière de dresser la table, de manger, de servir les plats et de s’adresser aux convives. Ces règles composées par une élite pour une élite vont paradoxalement se démocratiser sous les Nguyen, il suffit d’une balade gourmande dans les rues de Hue pour s’en rendre compte.
Avec l’arrivée des Français, c’est un autre courant qui va se mettre en place. S’ils sont restés moins longtemps que les Chinois, ils ont laissé une impression durable, parfois même à l’insu de leur plein gré. En effet, il n’est pas improbable que pour se détacher de l’influence encombrante du grand frère du Nord, les dirigeants vietnamiens aient cherché à incorporer des éléments issus d’autres cultures dans la culture du Vietnam.
Pour ce qui est de la cuisine, l’influence française suivra un chemin qui partira de l’élite pour se diffuser ensuite plus largement dans la population, sans heurt et sans agressivité. Apres tout, il ne s’agissait pas d’un domaine qui entrait dans la politique d’assimilation culturelle du pouvoir colonial. On ne peut pas en dire autant de son administration. Ce n’est qu’à partir des années 1910 que la France voit le Vietnam comme une ressource économique stratégique et lance donc une vaste campagne d’industrialisation, tout en introduisant les plantations de café, d’hévéa, de vignes… Or, il arrivait que les colons aient le mal du pays, alors on a importé des légumes « exotiques » comme des pommes de terre (khai tay : patates occidentales), des asperges (mang tay : pousses de bambou occidentales), des choux-fleurs, sans oublier la laitue, les carottes, les tomates et les oignons. Et j’oublie les brocolis. Vous aurez noté que dans la liste des légumes, on retrouve ceux entrant dans la composition des nems, entre autres. Débarquent aussi l’emblématique Vache qui rit et le lait concentré sucré. Devant la montée en puissance des besoins économiques et administratifs, on forme et on recrute des Vietnamiens. C’est la naissance d’une petite bourgeoisie qui très vite se passionne pour la cuisine française et qui adopte volontiers de nouvelles habitudes alimentaires. Dont celle de manger du bœuf. Au pays du buffle d’eau qui ne finit généralement dans un bol que lors de festivals bien particuliers, manger du bœuf était une incongruité. En fait, il aura fallu un siècle pour que la viande bovine soit vraiment intégrée à la cuisine vietnamienne, comme en témoigne le célèbre Phở bò.
Les colons ne se laissent pas abattre par la chaleur tropicale : très vite, des brasseries adaptées fleurissent, Hanoi devient l’épicentre de la boisson houblonnée, avec un courant qui donnera les Bia Hoi. Les habitudes ont la vie dure, le pain manque sur la table des fonctionnaires et des militaires. Qu’à cela ne tienne, on célébrera rapidement la naissance du Banh mi, dont le nom vient de la prononciation improbable de « pain de mie ». Le café se répand dans les rues de Hanoi, associé à un certain art de vivre à la française, puis dans les années 1930, ce sont les citadins instruits qui en feront leur boisson fétiche. Par contre, l’usage du filtre métallique est une tradition vietnamienne qui a perduré.
Et qu’est-ce qui accompagne le mieux un café qu’une pâtisserie ?
Je vous en parlais dans un autre article, le Vietnam n’est vraiment réputé pour sa pâtisserie et si on y parle de gâteaux, ils seront souvent à base de haricots mungo et de riz gluant. Mais - influence française ? – on peut y déguster un dérivé du biscuit de Savoie et de la génoise, par ailleurs connu aussi au Japon, en Malaisie et en Chine (sous le nom de Ma Lai Gao) et que les Américains appellent chiffon cake, allez savoir pourquoi. Ici, il prend le nom de bánh bông lan (littéralement, gâteau fleurs d’orchidée). Il s’agit d’un délicieux gâteau tout simple, sans chichi. On oublie les délires psychiques de crème plus ou moins au beurre, les glaçages improbables et les garnitures exotiques en diable. Place à cette douce simplicité gourmande originaire dit-on de Saigon, influencée par les Français, à moins que ce ne soit par les Cantonais… Et pour une fois qu’on a un gâteau qui a un nom de fleur et pas d’animal ou d’un de ses organes intimes, on va se faire plaisir ! Je pense en particulier aux banh gan (gâteau foie), banh lo tai heo (gâteau oreilles de cochon) et autres gâteaux verre à soie, qui pour une fois s’inclineront devant la fleur d’orchidée, en l’occurrence ici, la vanille.
Moule à manqué de 24 cm de diamètre
Ingrédients :
6 jaunes d’œufs - 6 blancs d’œufs
125 ml de lait entier ou mieux, de lait de coco
60 ml d’huile végétale neutre (type colza, tournesol)
1 cuillère à café de levure chimique (5 g ou 1/2 sachet)
2x50 g de sucre
1 demi-gousse de vanille à gratter ou 1 cuillère à café d’extrait naturel de vanille ou 1 sachet de sucre vanillé
80 g de farine de blé type 45
20 g de Maïzena
1/2 cuillère à café de sel fin
Préparation :
Préchauffer le four à 170°C.
Séparer les jaunes des blancs d’œufs dans deux grands récipients.
Battre les blancs en neige ferme avec une pincée de sel, puis incorporer peu à peu les 50 gr de sucre en poudre.
Battre les jaunes d’œufs avec les autres 50 g de sucre et le sachet de sucre vanillé. Verser 125 ml de lait et 60 ml d’huile végétale dans les jaunes d’œufs. Fouetter jusqu’à l’apparition de bulles d’air.
Incorporer la farine tamisee + la Maïzena + la levure chimique + 1 pincée de sel. Fouetter vigoureusement. L’appareil doit devenir « duveteux ».
Incorporer délicatement les blancs d’œufs en neige ferme, en plusieurs fois, dans le mélange jaunes d’œufs / sucre / farine, en soulevant la préparation de bas en haut à l’aide d’une maryse, pour ne pas casser les blancs d’œufs en neige.
Beurrer généreusement un moule à manqué. Y verser la préparation du gâteau. Tapoter le fond pour évacuer l’air dans la pâte. Enfourner.
Laisser cuire pendant 20 minutes (il faut que la surface soit dorée). Poser une plaque à pâtisserie au-dessus du gâteau (tout en haut du four), pour éviter que le gâteau continue de dorer. Cuire pendant encore 20 minutes. Puis enlever la plaque à pâtisserie et laisser cuire pendant 10 minutes. (Ce qui fait un total d’environ 50 minutes suivant la puissance de votre four).
On peut aussi le faire cuire au cuiseur à riz : dans ce cas, déposer un papier sulfurisé au fond, pour faciliter le démoulage. Cuisson entre 20 et 25 minutes. Utiliser la pointe d’un couteau pour vérifier.
Attendez que le gâteau soit refroidi pour saupoudrer de sucre glace.
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