Le sel, de la légende à la cuisine Vietnamienne
Le sel ! Longtemps synonyme de richesse, il a été l’objet d’un commerce aussi important que celui de la soie, utilisé à des fins de préservation alimentaire d’abord, puis lors de rites religieux et comme monnaie d’échange entre plusieurs pays. A mon tour de mettre le mien, de grain de sel, dans cette longue histoire de l’«Or Blanc».
La légende du sel
Le savez-vous ? Autrefois, il n’y avait pas de sel sur la terre, on utilisait de la cendre de bambou.
L’histoire du sel commence dans la maison d’un pêcheur de Nha Trang. Approchez-vous et voyez : il s’y passe un évènement douloureux. Avant de mourir, un père partage tout ce qu’il a entre ses deux fils. Le plus jeune a le nom de Tam, son frère ainé, Dai, est un homme malhonnête et méchant. Pour vous dire combien il est méchant, une nuit, alors que tout le monde dans la maisonnée de Tam dormait profondement, il s’est emparé des filets neufs de son frère pour les remplacer par de vieux filets ! Pour vous dire combien il est malhonnête, il faisait du commerce avec Tam, son frère, mais habile et beau parleur, il lui a pris tout ce qu’il avait. Et très vite, Tam n’a plus rien. Il est très pauvre. Et très triste parce que sa femme et ses enfants n’ont plus rien à manger. Obstiné et désespéré, il se rend tout même en mer tous les jours dans sa petite barque et tente de ramener quelques poissons… Mais que voulez prendre avec un filet déchiré ?
- Cher enfant, combien tu es courageux ! Ton courage a touché les dieux. Ils souhaitent t’aider en te faisant ce cadeau.
Joignant le geste à la parole, il tend une cruche à Tam.
- Cette cruche donnera aux hommes un aliment précieux et changera ta vie. Quand tu voudras t’en servir, il te suffira de lui demander doucement : « Objet Divin, donne-nous du sel », et quand tu voudras l’arrêter, tu lui diras « Arrête-toi, nous te remercions ».
A partir de ce jour, la vie de Tam change du tout au tout. La cruche lui donne tout le sel qu’il demande et comme il ne le vend pas cher, tout le monde vient chez lui pour en acheter. Assez rapidement, le voilà riche ! Il croit rêver…
Voyant cela, Dai est très étonné, il ne comprend pas ce qui se passe et ce qui arrive à son frère. Et il voudrait bien le savoir… Alors, il tente de lui tirer les vers du nez, le questionne habilement, perfidement, tour à tour mielleux ou cassant. Rien n’y fait, Tam ne dit rien.
Fou de jalousie, Dai en perd le sommeil.
Un matin, de très bonne heure, il se rend à la maison de Tam à pas de loup. Il s’approche de la fenêtre, tout doucement. Il jette un œil furtivement. Mais les ombres de l’aube l’empêchent de bien voir. A peine s’il distingue la silhouette de son frère devant la cruche. Par la fenêtre entr’ouverte, il entend «Objet Divin, donne-nous du sel».
Maintenant, Dai connait le secret.
Il lui faut cette cruche.
Il surveille la maison de son frère et un jour que celui-ci se rend au marché, Dai pénètre dans la maison, s’empare de la cruche magique, la fourre dans un sac et s’enfuit.
Il part sans se retourner. Il sait que s’il veut devenir riche, il doit quitter le village.
Rendu sur les quais du village, Dai pose son baluchon au fond de son bateau et embarque, profitant d’un vent léger pour s’éloigner au large. Puis, arrivé assez loin des côtes, Dai prononce les paroles magiques « Objet Divin, donne-nous du sel ». Immédiatement, la cruche merveilleuse exécute son ordre, laissant jaillir le sel, sous le regard méchamment joyeux de Dai.
Mais la joie de Dai est de courte durée. Très vite, le bateau est rempli de sel et s’enfonce petit à petit, inexorablement, dans l’eau.
Paniqué, Dai essaye toutes les formules magiques qu’il connait, en invente, prie, tempête, jure, mais la cruche n’arrête pas de donner du sel. Le bateau s’enfonce encore un peu plus.
Puis disparait sous les eaux.
Depuis lors, la cruche continue de donner du sel, là en bas, au fond de la mer.
Maintenant, vous savez pourquoi la mer est salée et pourquoi nous ne manquerons jamais de sel…
Remarque : Le même conte existe en Chine, où l’ainé s’appelle Wang et c’est une meule qui est magique, pas une cruche. Il existe aussi une version coréenne, mais je ne la connais pas.
Symbolique du sel
En cette période de vacances estivales, je ne vais pas vous encombrer de références plus ou moins savantes, mais simplement vous faire un tour d’horizon rapide du sel comme symbole universel. Fortement ancré dans l’inconscient collectif de l’Homme – le tout premier germe de vie humaine n’était-il pas issu de la mer dont l’eau contient la même proportion de sel que le sang de l’homme ? – le sel, outre son pouvoir de conserver les aliments, revêt une charge symbolique dans toutes les cultures.
Chez les Grecs, comme chez les Hébreux ou les Arabes, il est le symbole de l'amitié et de l'hospitalité parce qu'il est partagé. Sa saveur indestructible est associée à la parole donnée. En Provence, nous avons coutume de dire qu’on ne connait quelqu’un qu’après avoir partagé un kilo de sel avec lui (la version déformée de : « Pour connaître quelqu'un, il faut avoir mangé un minot de sel avec lui »). Dans la culture de l’Orient, toute union est célébrée avec du sel. Synonyme de la vie, le sel est aussi l'ingrédient clé des alchimistes. Pour eux, il est la substance primordiale à la base de tout ce qui prend forme, il est le liant qui unit le souffre au mercure. Le sel est le symbole de la sagesse.
Mais le sel est aussi symbole de stérilité et de malédiction : rien ne pousse sur les terres trop salées.
Au Vietnam aussi le sel revêt une importance particulière. Elles se font d’ailleurs de plus en plus rares, les vendeuses ambulantes serinant à haute voix "Ai mua muôi ra mua" (Qui veut acheter du sel). Il m’arrive encore d’en croiser une en particulier, poussant son vélo d’un autre âge sous son non la fatigué. De ces scènes de vie qui font du Vietnam un pays éternel… Mais revenons à nos précieux cristaux. Ici, le sel est porteur de chance, exorcise les mauvais esprits et favorise la prospérité. Surtout dans le Delta du Nord, semble-t-il, on suit le dicton : "Au début de l'année, achetez du sel, à la fin de l'année, achetez de la chaux". C’est pourquoi, si vous venez en séjour au Vietnam pendant le Tet du nouvel an lunaire, vous verrez des vendeurs de petits paquets sel. Ensuite, les gens le répandent aux abords de leur maison ou dans la rue, en faisant vœux de paix et de bonheur. (Pour la chaux, c’est la symbolique de la chance qui y est associée et le vœu de construire une maison). Normalement, le sel devrait être vendu en bol fermé, avec un couvercle, pour garder la chance et seulement ensuite reparti dans de petits sachets. Mais le commerce, c’est le commerce…
Ici aussi, le sel symbolise l’amitié, l’amour, la solidarité, l’hospitalité et la force des liens sociaux. Dans le proverbe "Ðoi cha an man, đoi con khát nuoc" (Si le père mange salé, l’enfant souffre d’une soif insupportable), il fait allusion au karma bouddhiste qui veut que les enfants doivent payer les mauvaises actions de leurs parents. Et plus prosaïquement, le muôi vung (sésame grillé et salé) et le dua muôi (légume salé) sont des plats de résistance servis dans les pagodes, les bonzes s’abstenant de manger de la viande.
En parlant de plat…
Si on passait aux recettes ?
Ici, on dit "manger du riz avec du sel" pour parler de quelqu’un qui est pauvre. Cela ne semble pas être vrai pour les gens de Hue. Là-bas, le riz au sel est l'un des plats luxueux de la cuisine royale. Mais attention, pas n’importe quel sel ! Sel au pluriel, d’ailleurs, puisque le plat le plus réputé est le riz aux 9 sels (!). Neuf étant symbole de la permanence, voire de l’éternité. Il y a du sel de piment rouge ardent, du sel mélangé avec du galanga, du sel de sésame noir au sel et poivre, du sel de céréales,... Tous doivent respecter le yin et le yang et avoir les cinq saveurs (aigre, épicé, salé, amer, sucré) et être préparés selon différentes manières : rôti, frit, sauté, braisé...
Les cuisiniers de la cour impériale avaient l'habitude de faire cuire le sel dans des bocaux en terre cuite afin que le sel s'évapore puis se dépose en particules grossières, mais blanches comme neige. C’est cette quintessence du sel qui est ensuite utilisée pour fabriquer le fameux riz au(x) sel(s).
Nous, nous allons nous contenter de préparer deux sortes de sel aromatisé, pour nos trempettes et autres grillades.
Muối Ớt - Sel au piment
Idéal pour y tremper mangue verte, ananas un peu fatigué (il va se retrouver avec un bon coup de pied aux saveurs) et autres, selon vos envies et vos gouts ! Autres utilisations : marinades, pour accompagner les grillades, vos sautés de fruits de mer…
Ingrédients
10 petits piments, de type thaïlandais
1 gros piment (le « cornu », si vous voyez ce que je veux dire)
250 g de sel
2 càc de sucre
Note : le mélange des 2 piments permet de garder votre sel plus longtemps
Préparation
Nettoyer soigneusement les piments, les sécher, les épépiner et les émincer.
Déposer les piments, le sel et le sucre dans un mortier et piler jusqu’à obtenir une consistance lisse. Evitez les projections dans les yeux… Au pire, passez tout dans un blender pendant 3 secondes et finissez au mortier.
Poivrez au gout puis faire torréfier à feu moyen en remuant constamment (l’idée est d’éviter de faire du caramel…). Au bout d’environ 5 mn de ce traitement, le sel devrait être sec.
Remettre le mélange torréfié dans le mortier et piler encore pour 3 minutes. Mettre à nouveau à torréfier pendant 3 minutes. Le sel devrait être tout à fait sec.
Remarque importante : lors de la torréfaction, le piment dégage des vapeurs qui peuvent être incommodantes, n’hésitez pas à utiliser un masque (vous devriez en avoir sous la main…).
Laissez refroidir complètement puis mettre dans un bocal avec fermeture hermétique. A conserver au frais.
Si votre circuit au Vietnam vous conduit du côté des grottes de Phong Nha – Ke Bang, vous ne manquerez pas de vous voir servir dans quasi tous les restaurants un étonnant poulet « aplati », grillé et accompagné d’une non moins étonnante trempette verdâtre. Il s’agit de sel mariné (cheo en langue thaï locale), préparé avec du basilic, de feuilles de citron vert, du poivre vert et du piment vert pilé avec du sel. Vous obtenez une explosion de saveurs herbacées et épicées qui accompagnent merveilleusement le gallinacé tout raplapla. Je ne sais pas préparer ce genre de poulet, mais par contre, je vous donne la recette de ce sel mariné très rapidement addictif. Si cette façon de préparer le poulet vous interpelle, vous pouvez lire cet article du VNExpress : Poulet grillé de Quang Binh.
Vous utiliserez ce muoi cheo fraichement préparé pour les grillades, pour y tremper le riz gluant… Faites-vous plaisir !
Muối cheo Quảng Bình – Sel mariné de Quang Binh
Ingrédients
2 – 3 feuilles de basilic et une de citron
1 cuillère à café de (gros) sel
1/2 cuillère à café de sucre
2-3 piments verts
un petit brin de poivre vert (idéalement, sinon poivre noir du moulin)
Préparation
Placer tous les ingrédients dans un mortier, puis écraser manuellement au pilon jusqu'à ce que le mélange soit lisse. Au pire, utilisez un blender.
Notes : vous pouvez ajouter un brin de coriandre, des feuilles de laksa, voire un petit morceau de gingembre…
Vietnam Original Travel vous souhaite des bonnes dégustations !
=> Les marais salants au Vietnam
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