Tubercule étrange souvent confondu avec la bonne vieille pomme de terre, la patate douce fait partie de ces légumes dont on ne sait que faire, hésitant entre légume du pauvre et star d’une branchitude opportuniste. Très courante dans la cuisine vietnamienne, la brave patate douce se décline sans complexe, en toute simplicité et saveurs.
Nous n’aborderons pas ici une injure végane attribuée d’office au Capitaine Haddock, mais des différences entre patate et pomme de terre, car différences il y a.
Commençons par préciser que la pomme de terre n'est ni un fruit - que dis-je - ni une racine, c'est un tubercule. Elle est originaire de la Cordillère des Andes où les Incas la cultivaient sous le nom de « papa », près de 1 000 ans avant J.-C. Les conquistadors en ramenèrent en Espagne vers 1540 d’où elle s’est difficilement diffusée dans une Europe peu encline à l’incorporer dans son alimentation quotidienne. Seuls les gens pauvres de pays comme l’Espagne, l’Italie, la Prusse ou encore la Russie en mangeaient un peu, rôtie ou bouillie. Les cochons de tous pays, eux, se régalaient. Pour ce qui est de la France, on connait tous la ruse – courant du 18ème - du futur « bienfaiteur de l’humanité », le célèbre sieur Antoine Auguste Parmentier, pour mettre la pomme de terre dans toutes les cuisines. Aux tables des cabanes et des châteaux, la pomme de terre est devenue chère au cœur d’une bonne partie des Européens, au point qu’est née dans la France du 20ème siècle « En avoir gros sur la patate », synonyme d’en avoir gros sur le cœur (dans le sens d’être triste). De l’ancienne langue incas, la patata espagnole est devenue patate en France – potatoe en Angleterre – parfois sous forme péjorative. Et pourtant, les deux tubercules n’ont rien à voir.
La confusion entre les deux plantes ne date pas d’hier : les espagnols ont mélangé les mots batata, qui désigne la patate douce en langue taïno, avec le terme papa qui désigne la pomme de terre en quechua, pour donner le mot patata, patate. Certes, les deux sont des tubercules comestibles, mais la patate (el patatos) est une plante des régions chaudes de l’Amérique tropicale et de Polynésie. Des études archéologiques ont révélé sa présence au Pérou 8 000 ans avant notre ère, mais pour autant, rien n’indique qu’elle était domestiquée. Ramenée en Europe par l’incontournable Christophe Colomb, elle présente une chair douçâtre, jaune doré à orangé. Pour éviter la confusion avec la pomme de terre, on a pris l’habitude de l’appeler «patate douce». Pendant très longtemps, ladite patate douce a alimenté aussi bien les débats que les estomacs, les historiens n’étant pas d’accord sur son origine. Je vous épargne le suspens : ils se sont enfin mis d’accord pour dire que notre brave et délicieuse patate a un ancêtre unique et commun, une plante d'Amérique centrale et des Caraïbes appelée Ipomoea trifida. De le savoir ne changera probablement rien à nos recettes de cuisine, mais nos lecteurs férus de science et de botanique apprécieront cette précision. Corolaire des recherches des scientifiques du Centre international de la pomme de terre de Lima, au Pérou (oui, ça existe) : la patate douce est née bien avant les êtres humains, il y a au moins 800 000 ans.
Ici, par contre, on parle d’une vraie injure. Mais sur laquelle Haddock ne revendique aucune paternité.
Aujourd’hui branchée et étoilée, cette lointaine cousine du liseron a mis du temps à s’imposer sur les tables européennes. A l’origine poussant dans les sous-bois de la dense forêt tropicale, il était difficilement acceptable pour un européen de manger une telle diablerie (A l’époque, tout ce qui pousse sous terre est associé au diable). En plus, venant d’un pays qui n’a même pas de vigne pour donner du vin de messe…
Passées leurs premières réticences, les espagnols propageront la patate douce au gré de leurs explorations et si ce n’est pour se nourrir eux-mêmes, du moins leurs esclaves avaient de quoi manger. Introduite dans les Philippines vers 1520, elle voyagera jusqu’en Chine dès 1594, dans la province du Fujian, à la faveur d’une famine. Notre tubercule devient alors l’aliment de prédilection des paysans pauvres, au point que jusqu’à la révolution communiste, « mangeur de patates douces » était une insulte. La Chine reste aujourd’hui le principal producteur de patates douces au monde, qui s’est révélée une culture vitale durant plusieurs épisodes de famine, et ce jusque dans les années 1960.
On ne va plus parler d’histoire, mais sachez que la patate douce est probablement arrivée en Chine par le Vietnam (par voie terrestre et/ou maritime, ils cherchent encore, les chercheurs).
Aujourd’hui, on aura des desserts, des gâteaux, des en-cas, des spupes à la patate douce. Frite, à la vapeur ou au four, elle se décline (presque) à l’infini – par exemple : le che khoai nep est une compote à base de patates douces violettes et de farine de riz gluant ; on peut aussi citer khoai deo, une spécialité de Quang Binh (Centre) à base de patate douce qui, à première vue, ne paye pas de mine, mais laisse pourtant un souvenir inoubliable aux papilles de ceux qui l’ont goûté et mettons une mention spéciale à cet humble beignet de patate douce (banh khoai), qui n’est pas sans rappeler le rösti suisse ou le paillasson de la cuisine lyonnaise (Voir la recette, en fin d’article).
Lors de votre prochain voyage au Vietnam 15 jours, tentez de repérer sur les étals des marchés les patates douces jaunes ou miel (Khoai lang vang, Khoai lang mat), avec leur chair jaune ou orange. Contrairement aux patates douces blanches, celles-ci contiennent une forte teneur en sucre et une faible teneur en amidon, elles ont donc un goût sucré qui plait – ou pas. Vous débusquerez aussi probablement des patates douces violettes (Khoai lang tím), auxquelles on prête de nombreuses vertus médicinales et thérapeutiques. Et enfin, vous verrez aussi des patates douces blanches (Khoai lang trang), à la forte teneur en amidon et au gout peu attrayant, ce qui la relègue au rang des ingrédients utilisés pour faire…du vin ou engraisser la volaille. Vous aurez compris par vous-même que khoai lang = patate douce. A ne pas confondre avec Khoai mon, le taro – ni bien entendu avec khoai tay, la pomme de terre chère à Parmentier et chair à hachis.
Bien… Si ce tour d’horizon patatesque ne vous a pas coupé l’appétit, que diriez-vous de passer (en douce) en cuisine ?
En soupe, à la vapeur, bouillies, en beignets, au-dessus d’un brasero, au four (le boulanger – oui, oui – en bas de chez moi les prépare au four et les vend à côté des banh mi)… Avec du crabe ou des crevettes, des carottes, des champignons ou du mais… La liste des déclinaisons de la patate douce dans la cuisine vietnamienne est un inventaire à la Prévert aussi délicieux que surprenant, aussi hétéroclite que savoureux. Mais toujours bon pour la santé.
Pour cet article, j’ai choisi de vous proposer un basique ultra-simple, mais aux saveurs subtiles et exotiques : le beignet de patate douce – en version luxe avec fines herbes. Vous retrouverez les étapes dans la vidéo. J’y ai ajouté (par pure gourmandise, je le confesse) la variation « cocon », qu’on appelle Khoai Lang Kén, ou ken signifie cocon, vous connaissez déjà le mot khoai lang.
Ingrédients pour quatre personnes
- 2 patates douces (environ 500-700 g)
- 80 g de farine de blé de type 45
- 150 g de farine de riz gluant (à défaut, prendre de la farine de blé T45)
- 1 œuf
- 300 ml d’eau
- 60-80 g de sucre (selon votre goût)
- 1 pincée de sel
- Huile de friture
Etapes
- Laver et peler les patates douces et les râper des fins bâtonnets.
- Dans un grand saladier, mélanger les farines, le sucre et le sel. Incorporer l’œuf et l’eau petit à petit pour éviter les grumeaux. Mélanger jusqu’à l’obtention d’une pâte bien homogène et un peu liquide.
Ici, on peut mettre des herbes aromatiques, de l’oignon haché, de l’ail, du piment…
- Faire chauffer l’huile de friture.
- Mélanger les bâtonnets de patate douce dans la pâte.
- Prélever une cuillère de pâte et mettre à frire aussi vite que possible.
- Retourner les beignets dans l’huile, ils doivent avoir une belle couleur dorée sur les deux faces. Egoutter sur du papier absorbant.
Déguster chaud ! Vous tremperez les Banh Khoai dans une sauce chili, ou ketchup/mayo ou… à votre convenance
Variante : vous pouvez ajouter quelques rondelles de banane… Ici, les gamins accompagnent ce gouter hivernal d’un verre de lait de soja, si le cœur vous en dit…
Ingrédients pour 4-6 personnes
Patate douce : 500 gr
Farine de friture croustillante : 150 gr (On fait grand usage de Bot chien gion, je ne sais pas si on en trouve en magasins spécialisés ? Vous pouvez remplacer par de la chapelure)
Farine de Tapioca : 30 gr
Lait de coco : 20 ml
Grains de sésame (facultatif)
Huile, sel
Etapes
Étape 1 : Préparer les patates douces
Bien laver les patates douces, les râper en batônnets et les faire tremper dans de l’eau salée pendant environ 5mn.
Faire cuire les patates douces à la vapeur.
Une fois les patates douces bien cuites, les peler et les écraser à l’aide d’une cuillère.
Mélanger cette purée avec la farine de tapioca et le lait de coco.
Étape 2 : Faire des cocons
Faire des boules de patates douce de la taille d’un doigt, comme un cocon de ver à soie
Étape 3 : Préparer la pâte
Dans un bol, mélanger peu à peu la farine croustillante (ou la chapelure) avec 150 ml d'eau pour obtenir la pâte ni trop fine ni trop épaisse.
Si vous aimez, vous pouvez y ajouter quelques graines de sésame noir ou blanc et bien mélanger.
Étape 4 : Frire les cocons de patate douce
Réchauffer l’huile dans la poêle à frire.
Tremper chaque cocon de patate douce dans la pâte à beignet, puis les plonger dans l’huile de friture.
Quand ils sont dorés, les sortir, les égoutter et les dresser sur une assiette
Servir avec sauce chili ou sauce ketchup mélangée avec de la mayonnaise
Vietnam Original Travel vous souhaite de bonne dégustation !
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