Une poétesse disait : » A l'automne des saisons, ce sont les feuilles qui meurent. A l'automne de la vie, ce sont nos souvenirs. ». L’automne à Hanoi a une lumière, une atmosphère, une ambiance bien particulière, dominée par une mélancolie romantique et… la douce saveur du jeune riz vert : le com. Souvenirs, souvenirs…
Par souci de lisibilité pour ceux qui ne sont pas habitué à l’alphabet vietnamien (et parfois, les lettres s’affichent bizarrement suivant les écrans), j’écris rarement les mots vietnamiens avec les accents qui vont avec. Je ferai une exception aujourd’hui en parlant du cốm – dans la suite de l’article, je l’orthographierai « com » – une préparation culinaire à base de jeune riz gluant. Pourquoi ? Pour éviter toute confusion et peut-être, en passant, vous apprendre que le mot riz peut s’orthographier – et donc se prononcer – différemment selon s’il est sur pied, chez le marchand ou dans une casserole.
Si on parle du plant dans la rizière, c’est lúa (plus précisément cây lúa)
Si on parle du riz en grain (en vrac sur un étal de marche), on dit: gạo (un sac de riz : một bao gạo)
Si le riz en question se trouve en belle compagnie au fond de votre bol (ou cuisiné dans un bambou ou… bref, en tant qu’aliment), on parlera de : cơm (par exemple : riz pilaf = cơm thập cẩm. Mais papier de riz : bánh tráng – ça serait trop simple, sinon).
Cơm pouvant prêter à confusion avec notre cốm du jour dans mon cas de figure où je ne mets pas d’accent, je tenais à préciser qu’aujourd’hui, nous parlons de cốm (prononcé à peu près : comm) et non de cơm (qui se prononce presque cœum), même si je l’écris « com ».
Il se dit depuis toujours qu’un certain automne des temps anciens – je vous parle d’il y a plus de mille ans de cela – alors que dans une certaine rizière, les grains sur plants commençaient à devenir laiteux, de fortes rafales de vent ont soudain couché violemment les tiges, en même temps que des trombes d’eau se mettaient à se déverser sur les digues, jusqu’à les faire déborder. Sous l’acharnement des éléments en furie, plusieurs digues ont cédé, l’eau s’engouffrant alors dans les brèches pour aller inonder les champs en contre-bas. Bientôt, tout ne fut qu’inondation, désolation et lamentations des villageois. La récolte était perdue ! Qu’allaient-ils manger ? Sans trop y croire, un peu machinalement, un peu par désœuvrement, certains villageois récupèrent tout de même quelques épis de riz jeune, pensant en faire une espèce de coupe-faim. De toute façon, il fallait essayer de faire quelque chose ou ils allaient mourir de faim. Une fois la première réticence passée à grignoter du bout des lèvres le riz immature, les villageois se sont aperçus que finalement, le gout n’était pas si mauvais que ça. Et peut-être même bien le contraire, car ils lui trouvaient un arrière-gout douceâtre, étrangement parfumé. C’est ainsi que par la suite, chaque année à la même période, les villageois se mirent à manger du jeune riz vert gluant, en souvenir des temps difficiles, mais aussi… par gout !
Avec le temps, les grains de la disette sont devenus bénédiction des dieux, dans l’esprit du peuple, le com cristallise le goût du ciel et de la terre, fécondé par la rosée du matin. Il faut dire que sa saveur est très particulière, laiteuse (les psys occidentaux vont y voir une représentation maternelle, et il y a peut-être un peu de ça, de cette nostalgie du lait premier). Il faut se promener au milieu des plants pour comprendre, se laisser imprégner par ce doux parfum, léger et tendre. Il y a de l’innocence du nourrisson dans cette mélancolie qui se dégage du com.
Il y a ces vendeuses, au coin des rues du vieux quartier de Hanoi, baignée de cette senteur régressive du com, il y a ces villages traditionnels aux alentours qui bourdonnent d’activité dans la préparation du com : Vong, dans Cau Giay et Me Tri Ha/Me Tri Thuong, dans le district de Nam Tu Liem – en fait, c’est aussi Cau Giay, mais on a gardé le nom ancien. Hanoi en automne sans com est quelque chose d’inimaginable, tellement cette délicatesse emballée dans des feuilles de lotus fait partie de la ville et de ses habitants. Alors, depuis 2019, la préparation artisanale du com est inscrite sur la liste des patrimoines culturels immatériels nationaux.
Pour être honnête, on trouve aussi du com dans le Centre et dans le Sud du Pays, chaque région ayant ses habitudes de préparation ; mais historiquement, culturellement, voire même – surtout ? – affectivement, le com est indissociable de Hanoi, au même titre que les rues habillées de feuilles aux couleurs automnales, alors que fleurissent les fleurs de lait (des altonias, mais ce mot est moins joli, n’est-ce pas) et que le lac Hoan Kiem se pare des teintes enflammées des loc vung, des barringtonias. Pour faire bref, dans le Sud, il y a du « riz plat », probablement d’origine khmère, qui ressemble très fortement au com préparé dans le village de Vong, mais qui a pour base un riz gluant rouge et… l’inévitable lait de coco.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi, le com est un plat à base de jeune riz gluant. Mais pas n’importe lequel : le plus savoureux est le riz gluant à fleurs jaunes (Nep cai hoa vang en vietnamien, ou nếp est le riz gluant). Mais d’autres aiment préparer le riz gluant « phenix », ou le beige, ou le brun, le velouté ou le riz gluant mandarine. C’est une affaire de secret de fabrication – un secret depuis bien longtemps éventé, on ne va pas se mentir. Par contre, quel que soit son pedigree, le jeune riz se verra passer par différentes étapes quasi-initiatiques pour donner le produit fini, divin (l’ai-je déjà dit ?). Pour schématiser, il y a 4 étapes : la récolte (manuelle) et le tamisage du riz, puis vient la torréfaction des grains de riz vert, suivi du broyage et pilonnage (en 7 fois, sinon la couleur passe du vert au brun). L’emballage termine le processus. Et ce n’est pas le moins important ! On utilise traditionnellement des feuilles de lotus. On prendra des feuilles fraiches pour mettre au contact du com et garder son humidité, puis autour, on enveloppera par des feuilles plus vieilles, leur parfum délicat et subtil se mêlant aux saveurs du riz. Quand je vous disais que c’est divin !
Progrès et demande font qu’aujourd’hui, on peut trouver du com à peu près toute l’année, même si – sans surprise – le vrai et le meilleur reste celui d’automne. Du coup, on a pléthores de petites choses toutes plus délicieuses les unes que les autres. Selon la maturité des grains de riz, différents types de produits sont fabriqués. Par exemple, le jeune riz vert de début de saison, avec ses graines fines et molles, est souvent utilisé pour faire des flocons com pour les végétariens ou qu’on déguste avec une banane aromatique (et un thé vert de Thai Nguyen, si vous souhaitez frôler le divin). Le com de mi-saison est généralement utilisé pour faire du riz vert avec du porc haché (cha com) ou du com frit (Com xao – alors là, c’est plus que divin). Le com de fin de saison présente des graines épaisses, un peu difficiles à manger, sauf dans une soupe sucrée ou une crème glacée bien évidemment.
Je pars de l’idée qu’il est probablement (très) difficile de trouver un vrai bon cốm de l’autre cote de la planète, alors pour vous consoler, je vous propose une courte vidéo illustrant cet article.
Et j’y ajoute la recette de l’authentique riz sauté de Hanoi, histoire de fêter la gourmandise, l’automne et Hanoi, par nécessairement dans cet ordre.
Le riz frit est connu sous la célèbre appellation de riz cantonais – une recette d’origine vietnamienne… que voici. Ici, on part sur des restes de riz, froids, mais rien ne vous empêche de cuire votre riz comme d’habitude et de l’inviter ensuite à participer aux réjouissances du jour. Evitez un riz Thai/Basmati, trop fort en parfum.
Ingrédients
1 tasse de riz
1 saucisse de porc
2 œufs de poule
1 pomme de terre
1 carotte
100 g de petits pois
2 cuillères à soupe d'huile de cuisson
1/2 cuillère à café d'ail haché
3 gousses d'ail
1/2 cuillère à café de sel
1/4 cuillère à café de poivre
1 cuillère à café de sauce de poisson
Préparation
Faire chauffer l'huile dans une poêle, ajouter l'ail écrasé et faire frire jusqu'à ce qu'il soit parfumé, ajouter le riz et faire sauter. Ajouter la sauce de poisson. C’est au tour des œufs battus de rejoindre le mélange. Remuer souvent pour détacher le riz. Faire frire jusqu'à ce que les grains de riz se soient détachés et soient secs. A ce stade, on a un riz frit à la belle couleur dorée.
Une fois cuit, mettez le riz dans un bol et réservez. Faites chauffer l'huile dans une poêle, faites d'abord revenir les carottes jusqu'à ce qu'elles soient cuites, puis ajoutez les pommes de terre et faites sauter. Ajouter ensuite les petits pois et les saucisses coupées en lamelles, faire sauter. Assaisonner avec du sel, du poivre au goût.
Mettez le riz frit dans la casserole de légumes et remuez, faites frire encore 2 à 5 minutes pour réchauffer et sécher le tout.
Servir décoré de coriandre ciselée. A vos baguettes…
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