Khao lam au Laos, Zhutongfan en Chine ou encore Leman en Indonésie, le riz cuit dans un bambou est un plat qui se trouve un peu partout en Asie du Sud-Est, jusqu’en Thaïlande et au Myanmar. Pour ce qui est du Vietnam, le com lam est une spécialité culinaire des ethnies montagnardes, essentiellement celles présentes dans le circuit nord Vietnam.
Cơm lam, c’est du riz gluant, des tubes de bambou et une garniture, le plus souvent du sésame. Ajoutez un mode de cuisson pragmatique et évident – le feu de bois et vous avez toute la simplicité d’un plat aux saveurs complexes. Si com lam brille par sa simplicité et dans ses ingrédients et dans sa mise en œuvre, ses origines sont plus obscures. Personne ne sait vraiment de quand date ce plat, ni quelle est sa véritable origine. Plusieurs idées circulent, la plus répandue nous vient des anciens des communautés du Nord-Ouest. Ces derniers racontent que les montagnards d’autrefois menaient une vie de nomade dans les forêts montagneuses, ne se fixant jamais très longtemps sur un site, à la fois pour des raisons de terrain (pentes abruptes) mais aussi pour des raisons de rendement du sol : après seulement deux récoltes, celui-ci commence déjà à s’épuiser. Cette constante mobilité imposée a comme corolaire de voyager léger, pas question de coltiner batterie de cuisine et ustensiles aussi encombrants que volumineux ! On oublie les marmites et même les bols, en remarquant que la Nature pourvoit en tout, y compris en outils pouvant servir en cuisine… Du bambou, de l’eau de source et un bon feu suffiront. Il faut prendre conscience aussi que ce nomadisme impliquait des habitations elles aussi temporaires. C’est tout un mode de vie qui se retrouve finalement dans ce banal tube de bambou et c’est peut-être ce qui lui donne sa saveur et son parfum si exceptionnel… Com Lam est un terme emprunté à l’ethnie thai, où cơm signifie riz et lam est un verbe qu’on peut traduire par « cuire au four ».
De nos jours, si les communautés locales sont devenues plus sédentaires, elles ne manquent cependant pas de cuisiner com lam quand il s’agit de partir à la chasse ou d’aller travailler dans les rizières toute la journée. Dernière précision, on trouve aussi com lam chez les ethnies des Hauts-Plateaux du Centre ainsi que dans le delta du Fleuve Rouge, bien que cette spécialité soit largement plus répandue dans le Nord-Ouest du Pays.
Avec cet ancien mode de vie si proche de la Nature, on ne doit pas s’étonner que le com lam ait une dimension un peu « mystique ». Pour beaucoup de communautés locales – en particulier les Tay, Nung et Thai – il y a quelque part un monde spirituel dirigé par des entités tout aussi spirituelles, un univers qui entre en interaction avec notre modeste monde d’ici-bas. Parmi ces divinités, se distingue un certain Génie répondant au nom de Chat Chat. Il a pour rôle et responsabilité la gestion des naissances des hommes et du statut de chacun sur cette terre. Il est également le gardien d’un livret un peu spécial : celui-ci contient tous les noms de ceux qui peuvent retourner au ciel après leur mort. Pas inscrit ? Pas de paradis. Faut-il préciser qu’il existe un moyen infaillible de figurer dans les fameux papiers du Génie ? Et le com lam a quelque chose à y voir… En effet, une jeune accouchée ne se nourrit que de riz cuit dans un bambou, dont on garde soigneusement les tubes. Ils seront suspendus dans la forêt avec le placenta du nouveau-né, le but étant tant d’annoncer à tout ce qui vit dans l’invisible qu’il y a eu une naissance ici-bas. Si, pour une raison ou pour une autre, ce rituel n’est pas effectué, alors le bébé est dit « invité », il n’a pas son nom dans le fameux registre de Chat Chat et donc, ne retournera pas au ciel une fois son temps sur terre écoule.
Avec cette dimension sacrée, mystique, Com Lam est bien loin de son apparente simplicité, n’est-ce pas ?
(Voir également la vidéo, un peu plus bas dans cet article)
Qu’on se le dise ! Ce n’est pas parce que les ingrédients sont simples qu’ils doivent être bâclés. On choisira donc avec un soin particulier le bambou qui servira de marmite. Il faut du bambou ni trop frais, ni trop sec, présentant une belle enveloppe extérieure vert foncé et une membrane à l’intérieur (qui donnera toute sa saveur au riz, pendant la cuisson). Dans un monde parfait, on aurait sous la main un de ces bambous récoltés entre octobre et janvier : fraicheur garantie sans bestioles dedans – on ne cherche pas d’apport supplémentaire de protéines. Il aura idéalement 30 cm de long, mais tout dépendra de l’appétit des uns et des autres et des circonstances du moment. Finalement, la taille importe peu. A ce stade de la préparation, le lecteur ne manquera pas de nous faire finement remarquer que le bambou d’hiver a quelques difficultés à se retrouver sur les étals des marchés français. Ce à quoi nous répondrons qu’une célèbre plateforme de distribution, dont le nom commence par A et se finit par zon, en propose à la vente – ça vaut ce que ça vaut. Mais l’auteur de cet article a décidé– ô sacrilège – de vous donner une recette qui permet de s’affranchir dudit bambou. Toujours est-il qu’ensuite, c’est le riz qui doit recevoir toute l’attention du ou de la cuisinière. Tout d’abord, il ne faut choisir que du riz gluant (très idéalement du «nêp caï hoa vàng », le riz gluant à fleurs jaunes). Petite parenthèse au passage : le riz gluant est un riz « normal », mais qui ne contient pas de gluten. C’est sa préparation et sa cuisson qui le rendra collant. Le lecteur de tout à l’heure demandera – à juste raison – comment choisir un bon riz gluant ? Ce à quoi nous répondrons qu’il faut qu’il soit fraichement récolté, avec de beaux gros grains ronds, laiteux et opaques, à la bonne odeur de riz frais. Croquez dans un grain, vous devez sentir une saveur douce et légère. Les grains cassés, jaunis ou brunis sont évidemment à proscrire. (Pensez à vous entrainer à bien le reconnaitre lors de votre prochain circuit au Vietnam…).
Puis vient la préparation : après avoir été rincé, le riz est mis à tremper au minimum 4 heures, au mieux 8 heures et jusqu’à 10 heures. Une fois les grains ramollis, le riz est mis à égoutter. On pile un beau morceau de gingembre (Les Thai font ainsi, pas toutes les ethnies) qu’on mélange au riz. On prépare de petits carrés de feuilles de bananier, ils serviront de bouchons à chaque extrémité du bambou. On rince le tube de bambou, on colmate une de ses extrémités avec le bouchon en feuille de bananier (ou une feuille de dong, c’est bien aussi). On fait glisser le riz dans le tube, pas jusqu’au bord : le riz va gonfler ; on est sur une proportion 80% de riz, 20 % de liquide, à peu près. On humidifie à l’eau salée ou – bien meilleur – à l’eau de coco. Une fois le tube rempli, on scelle l’autre extrémité.
Vient ensuite la cuisson. On utilisera un feu de bois. Les tubes sont posés sur les flammes et régulièrement tournés pour assurer une cuisson homogène. On évite absolument de laisser cramer les bambous : s’ils noircissent de trop, le gout du riz n’est pas agréable du tout. On sait que c’est cuit quand de la vapeur sort par les extrémités des bambous et surtout à la délicieuse odeur de riz cuit qui s’élève du brasero. A ce stade, on laisse refroidir (ce riz se mange froid), puis on entaille les tubes de façon à les peler tout en laissant une fine pellicule qu’on retirera pour enfin déguster le riz.
Accompagnement : on torréfie des cacahuètes et des graines de sésame. Aon y ajoute un peu de sel et on pile le tout au mortier, plus ou moins grossièrement, selon les gouts de chacun.
Dégustation : découper un tronçon de riz, ôter la pellicule, tremper dans le sel de sésame. Déguster. Recommencer. Déguster. Recommencer à nouveau…
Le com lam se garde une dizaine d’heures. Si vous laissez passer la limite, le faire frire légèrement et ajouter du sel de sésame.
Remarque : du poulet peut également servir d’accompagnement. D’autres ethnies raffolent du sanglier en brochette… A Sapa, vous trouverez en accompagnement quantité de grillades, brochettes, patates douces et même des œufs et des légumes.
Remarque subsidiaire : pour faire passer le tout derrière le gosier, en totale immersion avec les locaux, n’oubliez pas de siroter quelques gorgées de ruou can, le fameux vin à boire à la paille…
Com lam est un plat simple et unique, mais dont chaque étape demande un savoir-faire certain, pour allier savoureusement l’eau, le feu, le bambou et le riz.
(Voir plus loin pour une version revisitée)
(J’avoue m’être très largement inspiré d’une recette laotienne – mea culpa…)
Nombre de parts : 8
Ingrédients :
2 tasses de riz gluant (thaï), trempé dans l'eau pendant au minimum 3 heures ou mieux, toute la nuit, puis égoutté
¾ tasse de lait de coco
¼ tasse d'eau
2 cuillères à soupe de sucre roux, facultatif
1 cuillère à café de sel
1 tasse de haricots noirs en conserve, égouttés
Morceaux de papier sulfurise de 20 cm x 20 cm environ
Préchauffer le four 200 ˚C
Préparation :
1. Mélangez le riz gluant, le lait de coco, l'eau, le sucre et le sel dans une grande casserole à feu moyen.
2. Remuez jusqu'à ce que tout le lait de coco soit absorbé.
3. Incorporez doucement les haricots noirs.
4. Mettez des quantités égales de cette préparation sur une feuille de papier sulfurisé. Formez des cylindres (un peu comme des nems).
5. Cuire au four pendant 10 minutes.
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