Au bord de la paisible rivière Duong, dans la province de Bac Ninh au nord du Vietnam, se niche un lieu où l’art populaire trouve son souffle depuis des siècles : le village des estampes de Dong Ho. Ce petit village, modeste en apparence, est pourtant un trésor inestimable de la culture vietnamienne, reconnu pour ses estampes traditionnelles aux couleurs naturelles, aux motifs naïfs et profondément symboliques. Cet artisanat ancestral, transmis de génération en génération, continue aujourd’hui de fasciner les visiteurs en quête d’authenticité, de beauté et de mémoire vivante.
Les premières traces de la production d’estampes à Dong Ho remontent au XVIIe siècle, bien que certains historiens estiment que l’art ait vu le jour encore plus tôt. À l’origine, les estampes servaient principalement à décorer les maisons pendant le Têt, la fête du Nouvel An vietnamien. Elles étaient accrochées sur les murs pour souhaiter chance, prospérité, longévité ou fertilité à la famille. Ce rôle rituel et décoratif des images populaires a fortement contribué à leur diffusion dans tout le delta du fleuve Rouge.
Le village a su tirer parti de sa proximité avec les grandes foires populaires, comme celle de Lim ou de Keo, pour écouler ses œuvres. Durant l’époque féodale, les estampes de Dong Ho étaient même envoyées jusqu’à la cour royale et vendues dans les grandes cités commerciales. Le village est ainsi devenu un haut lieu de la gravure sur bois, dont le style unique a traversé les bouleversements historiques, de la colonisation française jusqu’aux années de guerre, pour renaître avec force depuis les années 1990.
Chaque image du village des estampes de Dong Ho est une fenêtre ouverte sur la vision du monde des Vietnamiens. Les thèmes, souvent simples en apparence, sont chargés de symboles et d’enseignements populaires. L’image du coq symbolise le courage et la vigilance. Celle de la truie entourée de porcelets évoque la fertilité et l’abondance. Les scènes de marché ou de jeux d’enfants rappellent la vie rurale, la joie du quotidien, l’harmonie familiale.
Mais les estampes ne sont pas seulement des représentations décoratives. Elles sont également un moyen de transmettre les valeurs morales, les contes folkloriques et la sagesse populaire. Dans les estampes satiriques, par exemple, l’humour est utilisé pour critiquer les travers de la société ou les injustices, dans un style accessible et subtil. C’est cette richesse de sens et de fonction qui fait la singularité du village des estampes de Dong Ho.
L’héritage artistique du village des estampes de Dong Ho ne se limite pas à la production d’images. Il incarne une vision esthétique, un style de vie et une mémoire collective. Les couleurs utilisées sont d’origine naturelle : le rouge issu de la sève du bois de vang, le jaune de la fleur de sophora, le noir du charbon de bambou, le vert des feuilles de galanga. Les papiers sont fabriqués à partir de l’écorce du rhamnoneuron (do), souvent recouverts d'une poudre de coquillage pour leur conférer un éclat nacré.
Ce patrimoine a inspiré de nombreux artistes vietnamiens modernes. Certains motifs traditionnels ont été repris dans la peinture contemporaine, l’art textile ou même dans l’illustration de livres. L’UNESCO a d’ailleurs inscrit en 2013 les estampes de Dong Ho sur la liste du patrimoine culturel immatériel à sauvegarder, soulignant leur valeur universelle. Grâce aux efforts conjoints des maîtres artisans et des autorités culturelles, ce patrimoine continue de vivre et de se réinventer.
L’originalité de l’art du village des estampes de Dong Ho réside dans sa technique artisanale entièrement manuelle. Chaque image est imprimée à partir de planches de bois gravées. Chaque couleur correspond à une planche différente, ce qui exige une grande précision dans l’alignement lors de l’impression. Le processus est à la fois minutieux et poétique.
Les artisans commencent par dessiner le motif sur papier. Ce dessin est ensuite gravé à la main sur des planches de bois de jacquier, réputé pour sa solidité et sa longévité. Les couleurs sont préparées à partir de pigments naturels, puis appliquées avec une brosse en bambou sur les planches. Enfin, on pose la feuille de papier do sur la planche en appuyant à la main ou à l’aide d’un outil plat, de type spatule.
Cette méthode ancestrale nécessite non seulement une grande dextérité, mais aussi une connaissance intime des matériaux, des saisons (car l’humidité influence le séchage) et du symbolisme des couleurs.
La fabrication d’une estampe dans le village des estampes de Dong Ho suit plusieurs étapes bien précises :
Le papier do constitue la base de chaque estampe de Dong Ho. Fabriqué à partir de l’écorce de l’arbre rhamnoneuron balansae, ce papier artisanal est à la fois fin, souple et extrêmement résistant au temps. Son élaboration est déjà un savoir-faire en soi : l’écorce est d’abord trempée, battue, puis filtrée pour obtenir une pâte homogène, étalée à la main sur un cadre en bambou. Une fois séché, le papier est parfois recouvert d’une fine couche de poudre de coquillage broyé, appelée “diep”, mélangée à de la colle naturelle. Ce traitement lui confère un éclat nacré caractéristique, qui capte la lumière et sublime les couleurs des estampes.
Chaque couleur présente dans l’image nécessite une planche de bois gravée distincte. Les artisans utilisent principalement le bois de jacquier, choisi pour sa densité et sa capacité à conserver les détails fins sans se déformer. Le dessin original est d’abord réalisé à l’encre, puis transféré sur la planche de bois. À l’aide de gouges et de ciseaux spécifiques, le maître artisan creuse patiemment les contours du dessin. Une estampe peut nécessiter de cinq à six planches, chacune correspondant à une couche de couleur ou à des détails différents. Cette étape demande précision, patience et un sens artistique aiguisé, car toute erreur est irréversible.
Les couleurs utilisées dans le village des estampes de Dong Ho sont exclusivement d’origine naturelle. Les pigments sont extraits de végétaux ou de minéraux locaux : le rouge provient de la sève du bois de vang, le noir du charbon de bambou, le jaune de la fleur de sophora, le vert des feuilles de galanga… Ces pigments sont ensuite broyés finement et mélangés à une colle végétale, souvent à base de manioc ou de riz gluant, afin d’assurer une bonne adhérence sur le papier. Cette préparation, qui semble simple, est en réalité très délicate, car les artisans doivent doser chaque ingrédient pour obtenir des couleurs à la fois vives, durables et harmonieuses.
L’impression est l’étape la plus visible, mais aussi la plus exigeante du processus. Les planches gravées sont enduites manuellement de couleur à l’aide d’un tampon de bambou ou d’un pinceau. L’artisan applique ensuite la feuille de papier do sur la planche, puis la presse doucement avec une spatule de bois ou simplement avec la paume de la main pour transférer la couleur. Ce geste est répété pour chaque planche, en respectant un ordre précis de superposition : on commence toujours par les teintes les plus claires (souvent le jaune), puis viennent les plus foncées (rouge, vert, et enfin le noir pour les contours). L’alignement parfait entre les couches est essentiel pour obtenir une image nette et équilibrée.
Une fois imprimées, les estampes sont mises à sécher à l’air libre, mais à l’abri du soleil direct, généralement sous un toit de feuilles ou dans une cour ombragée. Ce séchage naturel, qui peut durer de 2 à 5 jours selon l’humidité ambiante, permet aux couleurs de se fixer et de révéler leur éclat. Les artisans surveillent attentivement cette étape, car une exposition excessive au soleil ou un séchage trop rapide peuvent ternir les pigments ou gondoler le papier. Ce respect du rythme naturel est une marque de fabrique du village des estampes de Dong Ho.
Avant la mise en vente, chaque estampe fait l’objet d’un contrôle minutieux. L’artisan examine la netteté du dessin, l’intensité des couleurs, la régularité des bords. Si nécessaire, il procède à de légères retouches au pinceau pour réhausser un détail, accentuer un trait ou corriger un petit défaut. Une fois validée, l’estampe peut être signée ou estampillée par l’atelier. Elle est ensuite empilée avec soin ou encadrée selon la demande.
Chacune de ces étapes de fabrication ne se limite pas à une simple technique : elles sont le fruit d’une longue tradition transmise oralement, d’un profond respect du rythme de la nature et d’une sensibilité artistique propre à chaque famille d’artisans. C’est cette alliance entre rigueur, patience et inspiration qui fait la singularité des œuvres du village des estampes de Dong Ho et leur confère une valeur inestimable, bien au-delà de leur apparente simplicité.
Oui, le village des estampes de Dong Ho propose aujourd’hui plusieurs ateliers d’initiation pour les visiteurs curieux. Que vous soyez amateur d’art ou simple voyageur en quête d’authenticité, vous pouvez vivre l’expérience unique de créer votre propre estampe, sous la direction d’un maître artisan.
Les ateliers durent généralement entre 1 et 2 heures. Ils permettent de découvrir les outils, de manipuler les planches gravées, de préparer les couleurs, puis d’imprimer une image que vous pourrez emporter en souvenir. Certains artisans proposent aussi des démonstrations plus poussées, accompagnées d’explications sur l’histoire et la signification des motifs.
Pour les passionnés, des stages plus longs peuvent être organisés, notamment pour les artistes, étudiants en art ou chercheurs. C’est une occasion rare d’entrer dans l’univers vivant d’un artisanat traditionnel encore préservé.
Le village des estampes de Dong Ho se situe dans le district de Thuan Thanh, province de Bac Ninh, à environ 35 km à l’est de Hanoï. Il est facilement accessible en une demi-journée depuis la capitale.
Voici quelques options pour s’y rendre :
En voiture privée ou taxi : C’est l’option la plus confortable. Le trajet prend environ 1h30 selon la circulation.
En moto : Idéal pour les aventuriers qui souhaitent découvrir la campagne du delta du fleuve Rouge. Le trajet suit la route nationale 5B ou l’autoroute CT.01.
En bus local : Plusieurs bus relient Hanoï à Bac Ninh (gare routière de Gia Lam ou My Dinh), puis une correspondance locale vous amène à Thuan Thanh.
En excursion organisée : Certaines agences proposent des circuits culturels à la journée incluant la visite du village et la participation à un atelier d’estampes.
Le trajet vers le village des estampes de Dong Ho est aussi une belle opportunité de découvrir les paysages paisibles et les scènes de vie rurales du nord du Vietnam.
Si vous passez quelques heures à Dong Ho, vous aurez sans doute envie de découvrir aussi la gastronomie locale. Bien que le village ne soit pas un centre gastronomique à proprement parler, plusieurs options s’offrent à vous pour un repas simple, savoureux et typiquement vietnamien.
Chez l’habitant : Certains artisans proposent un déjeuner chez eux, à base de produits du jardin et de plats faits maison. C’est l’occasion idéale d’échanger et de goûter à la cuisine familiale du delta.
Petits restaurants locaux : Dans les environs, notamment dans le bourg de Thuan Thanh, on trouve des échoppes proposant des spécialités comme :
le "bun dau mam tom" (vermicelles de riz et tofu frit)
le "pho cuon" (rouleaux de riz farcis de bœuf sauté)
ou encore les fameuses galettes de riz croustillantes.
Marché local : Si vous avez la curiosité, vous pouvez aussi faire un tour au marché du village le matin. On y trouve des fruits tropicaux, du thé vert local et parfois des plats à emporter.
Ce moment de pause culinaire viendra parfaire votre découverte culturelle du village des estampes de Dong Ho.
En visitant le village des estampes de Dong Ho, vous ne découvrez pas seulement un artisanat, mais tout un monde. Ce village incarne à lui seul la mémoire du peuple vietnamien : son amour de la nature, son sens de l’harmonie, son humour, ses aspirations. Loin des circuits standardisés, Dong Ho est une escale rare, précieuse, à la fois simple et profonde.
Préserver cet art, le faire vivre et le transmettre aux générations futures est une mission que les artisans du village mènent avec fierté. En soutenant leur travail — par l’achat d’une estampe, par une visite ou un atelier — vous contribuez à faire perdurer une tradition qui fait la richesse culturelle du Vietnam.
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