Si l'on peut trouver des marionnettes partout dans le monde, les marionnettes sur l’eau du Vietnam sont uniques. Nées dans le Delta du Fleuve Rouge, elles sont l'expression la plus profonde et la plus émouvante de l'âme d'un peuple. Etroitement liées aux scènes de la vie quotidienne rurale et de ses traditions, les saynètes jouées à la surface de l'eau sont un condensé de culture populaire à ne surtout pas manquer lors d'une excursion à Hanoi.

Présentation générale de l'art de manipulation

Né dans le delta du fleuve rouge au 12^ème siècles de l'ère commune (sous la dynastie des rois Ly), le spectacle de marionnettes sur l'eau a vraisemblablement comme origine un rite d'invocation de la pluie. Au pays de la culture du riz inondé, la pluie est un des Génies-éléments les plus importants. Ce n'est qu'au fil du temps que de spirituel il est devenu divertissement rural et populaire. On en attribue la paternité au célèbre moine Tu Dao Hanh. Moine bouddhiste, il était un peu médecin-guérisseur, un peu mystique, très généreux envers les pauvres à qui il prodiguait enseignements et soins. La légende relate qu'il était doté de pouvoirs surnaturels et donc à ce titre, considéré comme un immortel. Il est vénéré en la pagode de Thay – à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Hanoi.

Les origines des marionettes

Comme habituellement au Vietnam, une légende nous donne les très véridiques indications quant à la naissance du Mua roi nuoc : les marionnettes sur l'eau sont nées sous le règne du roi An Duong Vuong – soit vers 255 avant J.-C. Si l'on s'en tient aux archives historiques, elles seraient apparues au 10^ème ou au 11^ème siècle sous les Ly, qui ont régné – rappelons-le de 1010 à 1225. En en trouve une mention sur la stèle Sung Thien Dien Linh datant du X12^ème, retrouvée dans une pagode du nord du Pays. Toujours est-il qu'aujourd'hui, elles ont gardé cette fraicheur un peu impertinente des arts populaires du Vietnam, dans une expression unique en Asie.

Si les grands théâtres comme à Hanoi ou HCM-ville font toujours le plein de touristes, les spectacles amateurs peinent à trouver leur public, hormis en périodes de fêtes comme le Tet du nouvel an. Mais bien qu'en perte de vitesse, cet art se retrouve encore dans certains villages aux alentours de Thang Lang (l'ancien nom de Hanoi) : Dao Thuc (district Dong Anh – banlieue de Hanoi) et Dong Ngu (province de Bac Ninh), les deux plus connus, ont toujours leurs troupes d'artistes passionnés, pour notre plus grand plaisir.

Le décor et la scène

À l'origine, les spectacles se déroulaient en plein air dans les villages. Un plan d'eau, une mare ou étang faisait l'affaire, pour peu que l'endroit ne soit pas trop bruyant : comme la danse, les marionnettes vivent au son de l'orchestre traditionnel, on doit donc pouvoir l'entendre correctement. En plus du plan d'eau, il faut un rideau de bambou pour cacher les marionnettistes qui œuvrent depuis la "chambre de jeu". Celle-ci se compose d'une petite maison imitant les maisons communes des villages, on l'appelle Nha roi : la "maison des marionnettes". Elle constitue en quelque sorte le saint des saints de la structure du théâtre : entrepôt pour les marionnettes et cœur névralgique de l'animation des poupées de bois.  Et tout autour de la scène se trouvent les éléments décoratifs : drapeaux, éventails, des portes en forme de dragon… L'idée étant de recréer un village typique du Nord-Vietnam.

Une partie des mécanismes qui permettent les mouvements des marionnettes partent du temple sur l'eau et sont immergés, ce sont les fils et les poulies, qui sont tendus entre des pieux. Le marionnettiste utilise aussi une perche de bambou pour donner vie aux poupées peintes, aidé par toute une panoplie de de gaines, de tiges et autres charnières.

Par souci de commodité, les saynètes se jouent aujourd'hui dans des théâtres couverts et dédiés à ce type de spectacle.

Les marionnettes en bois

Elles sont en bois de figuier, un bois léger qui leur permet donc de flotter. Elles sont sculptées, peintes de couleurs vives puis polie et finalement laquées pour les imperméabiliser. D'une hauteur moyenne de 40 cm, elles peuvent atteindre le mètre. Tout le secret de leur vie tient dans leur conception : elles sont en deux parties, le corps en lui-même, c'est-à-dire la partie visible à la surface de l'eau et la base. Celle-ci est cachée sous l'eau et renferme le mécanisme qui permet, grâce à l'habilité des montreurs, d'impulser les mouvements. Véritables œuvres d'art populaire, les personnages ont chacun leurs expressions et leurs traits de caractères. Généralement souriantes et amusantes, on les croirait réellement animées d'une vie propre. Il y a toute une galerie de personnages, allant des paysans aux rois, des gardiens de buffles aux animaux familiers. Le personnage emblématique du théâtre de marionnettes sur l'eau est le narrateur en début de spectacle, mais qu'on retrouvera tout le long des historiettes. Il a pour nom Teu. Mais attention ! Chu Teu, Monsieur Teu … Flanqué d'une équipe de bouffons, notre rondouillard toujours de bonne humeur nous ouvre les portes d'un monde enchanté … et parfois insolent.

Les marionnettistes ou plutôt les artistes

Tout de sombre vêtus et chaussés de cuissardes, ils opèrent à l'abri des regards, protégés par le store en bambou. Le succès du spectacle dépend pour une très grande partie de leur habileté et de leur savoir-faire acquis au cours des années d'expérience. Avec de simples piquets et des fils, ils animent une trentaine de personnages marchant, dansant et même volant, Fées, dragons, agriculteurs, poissons et canards prennent vie pendant une heure, distribuant des étoiles des les yeux des petits (et des grands) spectateurs. Ceux-ci ne verront les magiciens aux poupées de bois qu'en fin de performance, lors qu'ils viendront saluer le public.

La narration et le fond sonore exceptionnel

Des 400 qui constituent le répertoire classique, seules une trentaine de pièces sont encore jouées aujourd'hui. Des deux côtés de la scène, des chœurs de narrateurs – un féminin et un masculin – rythment la narration par un jeu de questions/réponses. Mais c'est Monsieur Teu qui, vêtu de son seul pagne, a le plus grand rôle : il présente, raconte, explique et commente, ne se gênant pas pour tourner en ridicule ou lancer quelque pique à l'encontre du pouvoir féodal. Le spectacle de marionette sur l'eau alterne scènes rurales (la pèche, le combat de buffle, la mère qui donne le sein a son bebe) et danses d'animaux légendaires (danse du dragon ou de la licorne), sans oublier nos amies les bêtes qui, comme ce renard qui tente de voler une poule à un couple de vieillard ont, elles aussi des histoires à raconter … Il y a bien entendu les scènes classiques tirées du répertoire de l'opéra populaire cheo, des légendes comme celle du Lac de l'épée restituée, mais depuis peu, le public peut aussi se régaler de pièces plus contemporaines comme par exemple le célébrissime "Lac des cygnes" de Tchaïkovski, transposé pour le spectacle de marionnettes sur l'eau.

Pour donner plus de volume au spectacle, la musique vient rythmer le texte. Les 2 orchestres, eux aussi placés sur les côtés, jouent essentiellement des pièces de musique folklorique cheo, où tambours et gongs donnent, s'il était besoin, encore plus vie et de mouvement aux saynètes.

Un spectacle de marionette sur l'eau réussi est celui qui a assemblé le plus harmonieusement tous ces éléments, pour en faire plus qu'une histoire contée : un reflet joyeux et optimiste de la vie parfois difficile dans les rizières du delta du Nord. Plus que le cœur d'un pays, c'est son âme que des poupées de bois animées par des hommes et des femmes talentueux et passionnés nous font découvrir !

Mais voila qu'on entend l'éclat joyeux des pétards ! Vite, le spectacle va commencer …

Infos +

Si vous souhaitez vous laisser entrainer dans les contes de Chu Teu, il existe des théâtres "en dur" à Hanoi et HCM-ville et il en existe encore des traditionnels dans certains villages aux alentours de la capitale. Plus d'infos sont bien entendu disponibles auprès d'une agence locale spécialiste du Vietnam. Mais sachez que le plus populaire et le plus connu est celui de Thang Long (Hanoi). Créé en 1969, il a dès le début conquis son public et ne cesse depuis les années 1990 d'innover et promouvoir cet art populaire unique. Plus intimiste le Lotus, un peu plus loin a ouvert en 2008. Vous en trouverez un à Hue, à Hoi An, à Nha Trang et à Ho Chi Minh-ville, pour ne citer que les principaux.

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PS : Le programme que nous avons mentionné ci-dessus est à titre consultatif, nous sommes des spécialistes du sur mesure pour vous concocter un voyage à votre image et envie !

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