Les villages artisanaux autour de Hue

Hue, l’ancienne capitale impériale du Vietnam, fascine par ses sites historiques et séduit par ses plats délicats, mais c’est visitant les villages de métiers traditionnels que le visiteur découvrira l’intimité d’un patrimoine culturel tout à la fois folklorique et fortement lié à la cour impériale. Le temps d’une balade à vélo, partons pour une excursion aux villages artisanaux autour de Hue.  

En préambule

Pour des raisons politiques, sociales et défensives, la monarchie avait besoin de s’appuyer sur un réseau de cellules autonomes, les villages. Suivant en cela le modèle social du Nord-Vietnam, Hue a profité, dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour de la capitale, d’un maillage de villages d’artisanat. Sous la dynastie Nguyen, il y avait une agence spéciale qui s'occupait de l'artisanat, qui était le bureau de l'artisanat. La tâche principale du bureau était de superviser la construction de palais, la création d'objets de décoration ainsi que la frappe de monnaie, la fabrication des armes et la construction navale. Mais avec l’abolition de la monarchie (courant de l’année 1945), un grand nombre de villages a perdu sa raison d’être, des savoirs et des savoir-faire ont disparus, perdus à tout jamais. Mais certains villages ont résisté et continuent de faire face aux défis d’un modernisme souvent aveugle. S’adossant au tourisme pour préserver et promouvoir une mémoire, une culture, un patrimoine, ils sont les témoins émouvants d’une identité nationale à la fois unique et multiple. La province de Thua Thien Hue compte actuellement 110 villages artisanaux composés de près de 30 métiers traditionnels et groupes d'artisanat.

Thanh Tien, le village des fleurs en papier

Fleurs en papier de Thanh Tieu Source : welcomevietnamtours.net

Intimement liés aux travaux dans les rizières, les villageois de Thanh Tien profitent de la période de jachère (en fin d’année lunaire) pour confectionner des fleurs de papier, essentiellement destinées au culte des ancêtres, socle immuable de la spiritualité vietnamienne. La fabrication de fleurs en papier est mentionnée dans des archives royales datées du 18^ème siècle. A Thanh Tien, il y a trois foyers qui fabriquent des fleurs toute l’année, pour d’autres familles, ce sera une activité ponctuelle.
Si ce savoir-faire particulier a perduré, c’est que la demande est toujours là : au vu de la météo (chaude et ensoleillée en saison sèche puis pluvieuse et chaude en saison humide), il est difficile de conserver des fleurs fraîches pour orner l’autel des ancêtres, d’où l’utilisation de fleurs en papier. En général, on les change tous les ans. De nos jours, les fleurs en papier de Thanh Tien sont devenues des décorations très appréciées pour le Tet du Nouvel An Lunaire et autres festivités d’importance.

Visiter le village de Thanh Tien, c’est découvrir la complexité, la minutie, la dextérité que demande la confection d’une fleur en papier. Du choix du bambou qui servira de tige jusqu’à la teinture du papier, toutes les opérations sont encore manuelles. Malgré toute son expérience et son habileté, l’artisan ne pourra confectionner que 15-20 fleurs en papier par jour, tant le processus est long et délicat.

En pratique : Thanh Tien se situe le long de la rivière Huong (la rivière des parfums) à environ 10 km en aval de Hue, sur la commune de Phu Mau, district de Phu Vang.

Sinh, le village des estampes folkloriques

Estampes de Sinh - Source : dantri.com.vn

A l’instar des villages de Dong Ho et de Hang Trong dans le Nord, Sinh est réputé dans tout le Pays pour ses estampes folkloriques. Puisant dans le répertoire quasi infini des croyances et traditions populaires se perdant dans la nuit des temps, les estampes de Sinh reflètent les valeurs spirituelles des habitants de Hue.

Comme pour Thanh Tien, si le savoir-faire des artisans de Sinh a perduré, c’est que la vie spirituelle locale est toujours vivace et de fait, la demande en estampes est encore bien présente.
Il ne reste que peu de familles pour préserver et perpétrer ce savoir-faire. La guerre a vu de nombreux artisans tomber sous les balles américaines et une période pendant laquelle le régime communiste a essayé d’éradiquer toute forme de culte a poussé les artisans dans les rizières plutôt quand dans les ateliers.
En visitant le village de Sinh, vous pourrez mesurer la très grande complexité de processus nécessaires pour obtenir ces représentations fraiches et colorées : il y a le choix du papier do (fait à base d’écorce d’une sorte de murier), il y a la taille des tampons en bois de jacquier, une étape primordiale dans l’estampage, qui sera suivi de la mise en couleurs. Vous découvrirez d’ailleurs que ces couleurs sont toutes d’origine naturelle : la feuille de bananier pour le vert, la brique pilée pour le rouge, des graines pour le bleu marine et ainsi de suite. N’hésitez pas à essayer vous-même de produire votre chef d’œuvre ! Pour cela, demandez à une agence de voyage locale de vous organiser une visite.

En pratique : Sinh se situe à environ 8km du centre-ville de Hue, en aval de la rivière des parfums, sur la commune de Phu Mau, district de Phu Vang.

L’art des marionnettes aériennes à Hue

Cerf-Volants - Hue - Source : Internet

A l’origine, le cerf-volant était un passe-temps de gamins de bergers. Un jouet rudimentaire fait de bric et de broc, qui n’a tout de même pas manquer de faire de l’œil aux adultes. Il faut imaginer du papier votif collé sur un cadre de bambou, des bandes de papier pour figurer la queue d’une chauve-souris ou d’un dragon et volent les rêves d’enfant…

 Les adultes (ceux qui avaient encore une âme d’enfant) se sont amusés à le perfectionner, lui donner du volume, des couleurs… Jusqu’à devenir un divertissement royal sous les Nguyen et en faire un véritable spectacle aérien de marionnettes volantes. Il y a d’ailleurs un mystère sur l’histoire du cerf-volant à Hue. Comment d’un simple jouet pour enfants était-il arrivé à la cour des Nguyen sous la forme de phœnix resplendissants et autres paons spectaculaires ? Peut-être que les fonctionnaires de la cour avaient-ils rapporté de leurs voyages en Chine les techniques de fabrication et de décoration ?  Il n’y a pas à proprement parler de village de métier du cerf-volant, mais des ateliers qui ont vu passer des artisans de génie, chacun apportant sa vision, ses perfectionnements dans l’art de faire voler un cerf-volant mais avant tout, de le fabriquer.
Il ne reste qu’un seul artisan spécialiste du cerf-volant, à Hue. Mais l’ancienne capitale recense quelques clubs dont le fameux Hue Kite Club, créé en 1983. Si vous avez l’occasion d’être sur la Place de la Porte du Midi (Ngo Mon - derrière le mât de Phu Van Lau), en été, par un après-midi venteux, vous pourrez admirer de splendides spectacles de cerfs-volants en forme de dragon, de paon ou de phénix qui couvrent le ciel de l’ancienne cité impériale, s’élançant aussi haut que de rêvés d’enfant. Un festival annuel se tient en début d’été à Hue.

Les villages de chapeau coniques dans les environs de Hue

Tay Ho, village des chapeaux coniques Source : khamphahue.com.vn

Le chapeau conique est un des emblèmes les plus iconiques du Vietnam et est indissociable du charme de la femme vietnamienne en général et de Hue en particulier. On ne s’étonnera donc pas de trouver non pas un mais plusieurs villages dédiés à la confection du non la : Tay Ho, Da Le, Phu Cam, Doc So, Trieu Tay, Kim Long, Sia...

Non Bai Tho, la star des chapeaux coniques de Hue

« Qui va à Hue pour rêver
Achète un chapeau poème comme un cadeau."

Tout le monde en raffole, tout le monde en veux ! Hue a quatre sortes de chapeau conique, mais le plus réputé est le non bài tho, le chapeau conique à poème. Il s’agit en tout point d’un chapeau conique classique à la différence que, entre les feuilles de latanier, sont insérés des poèmes, des inscriptions ou des motifs, que l’on ne peut lire qu’à contrejour. On dit de ce type de chapeau qu’il vient du village de Tây Hô, un village célèbre dans la confection de chapeaux dans les années 1960. À cette époque-là, il y avait un artisan du village qui était aussi poète. L’idée a ainsi germée d’écrire des poèmes sur les couvre-chefs. Une idée qui s’est révélée populaire et qui a rapidement été adoptée par d’autres artisans. Vous trouverez le village de Tay Ho sur les berges de la rivière Nhu Y, à 12 km à l'est de la ville de Hue, dans le district de Phu Vang. Pour découvrir les 14 autres villages spécialisés dans la confection des chapeaux coniques, demandez conseil à une agence de voyage sur mesure au Vietnam. Mais quel que soit le village visité, vous découvrirez les nombreuses et minutieuses étapes de confection d’un nòn : choix des feuilles de latanier (une sorte de palmier) et des tiges de bambou qui formeront l’armature, puis repassage des feuilles, avant de les coudre sur la structure. Si le travail n’est pas vraiment difficile, il demande beaucoup de patience.

Phuong Duc, l’art du bronze

Phuc Duong, village des fondeurs de cuivre Source : laodong.vn - Photo : Thai-Hoang

Phuong Duc signifie « quartier des fondeurs », l’un des métiers les plus anciens du Vietnam. Ici, on travaille le bronze depuis le 16^ème siècle, sous la dynastie des Nguyen Hoang.

L’activité du village s’est développée en parallèle à la construction de la cité impériale et de ses besoins en monnaie et en éléments de décoration ou rituéliques. A l’origine, le village appartenait au village de Duong Xuan, lui-même divisé en deux hameaux. Tous les fondeurs travaillant pour la cour se retrouvèrent ici dès le début du 17^ème, ce qui a donné le surnom de Phuong Duc, quartier des fondeurs. Le travail du bronze, en particulier de fonderie a connu son apogée sous les Nguyen, avec des productions qui sont aujourd’hui considères comme des trésors nationaux : la cloche de la pagode Thien Mu, le chaudron de la citadelle, les neuf urnes dynastiques (Cuu dinh) devant le Temple dynastique, sans compter d’innombrables statues du Bouddha et autres articles religieux.
En vous arrêtant au village de Phuong Duc, non seulement vous pourrez trouver le petit souvenir à ramener qui va bien, mais surtout, vous pourrez constater l’attachement de ces artisans à leur art, dépositaires d’un savoir-faire unique.

En pratique : pour vous rendre au village de fondeurs de cuivre de Phuong Duc, rendez-vous quarter de Thuy Xuan, à seulement 3 kilomètres de la ville de Hue au sud-ouest.

L’art de la vannerie à Bao La

La vannerie de Ba La - Source : huesmiletravel.com.vn

Beaucoup de villages d’artisans sont apparus sous les Nguyen, accompagnant à la fois la construction de la citadelle et le rayonnement impérial. Bao La en fait partie, tout en sachant que sa tradition artisanale remonterait à plus de 600 ans.

Spécialisé dans la vannerie de rotin et de bambou, Bao La produit des corbeilles, des tamis, des berceaux, des abat-jours et autres nasses à poissons. D’abord activité secondaire, le tressage du bambou et du rotin a peu à peu pris une place plus importante dans la vie économique du village. Celui-ci comprend plusieurs hameaux spécialisés : Cho Xom est spécialisé dans la production de nasses et de tamis, Xom Dong dans la production de corbeilles et paniers, quant au hameau de Chua, il travaille plutôt le bambou. Face à la concurrence, Bao La oppose un savoir-faire ancestral, une créativité débordante et des produits de haute qualité, issus d’une expérience et d’un savoir-faire unique. Si vous n’avez pas le temps d’aller jusqu’au village, vous en trouverez les produits artisanaux dans la rue piétonne Nguyen Dinh Chieu, a Hue. Notez que Da Le est aussi réputé pour son travail du rotin.

En pratique : Bao La appartient au district de Quang Dien, commune de Quang Phu, a environ 15 km au Nord de Hue, sur les berges de la rivière Bo.

Le brocart Deng de l’ethnie Ta Oi, village d’A Rum

Brocart Deng - Source : huyenuyaluoi.vn

Appartenant à la ville d'A Luoi, district d'A Luoi, à 70 kilomètres à l’Ouest de Hue, A Rum a été reconnu en 2019 village d'artisanat traditionnel de la province de Thua Thien Hue par les autorités du Vietnam.

Destination totalement hors des sentiers battus, A Luoi est à la convergence des couleurs culturelles de 5 ethnies : Ta Oi, Pa Co, Co Tu, Pa Hy et Kinh. Ses terres abritent de nombreuses reliques historiques et culturelles, en particulier la relique de la route Truong Son - la route Ho Chi Minh ou encore le groupe de tunnels de Dong So, dans le très beau décor naturel des Plateaux de Hue. La diversité ethnique présente sur ce territoire implique la présence de nombreux villages typiques, dont A Rum, spécialisé dans le tissage de brocart appelé Deng, typique de l’ethnie Ta Oi. Entre deux festivals ethniques, prenez le temps de découvrir le travail exceptionnel des femmes Ta Oi : elles intègrent des perles directement pendant le tissage des fils de coton, créant des motifs à la fois simples et exceptionnels, émouvants de simplicité élégante. Les brocarts Deng sont des objets de tous les jours qu’on retrouvera sur les marchés, de plus en plus à destination des collectivités et… des touristes, la communauté locale s’appuyant sur le tourisme durable pour sortir de sa réputation de territoire le plus pauvre de la Province.

Les batônnets d’encens du village de Thuy Xuan

Encens, village de Thuy Xuan - Source : lecourrier.vn

Nous terminerons notre découverte (non exhaustive) des villages artisanaux autour de Hue par une des spécialités de l’ancienne cité impériale : les bâtonnets d’encens.

Que ce soit le Nord, le Centre ou le Sud, les 3 régions du Vietnam ont leurs villages artisanaux de production d’encens. Au pied de la colline de Vong Canh, le village de Thuy Xuan est connu pour ses temples mais surtout pour sa production de bâtonnets d’encens, un artisanat qui prend racine dans la nuit des temps. Son savoir-faire se transmet de génération en génération, accompagnant sans faille la vie spirituelle des Vietnamiens. L’encens de Thuy Xuan a un parfum très particulier, qui le démarque des autres bâtonnets, d’autant plus de ceux provenant de Chine ou de Thaïlande. Pour durer dans le temps, les artisans ont non seulement développé un savoir-faire unique, mais ont également gardé secret certains ingrédients et techniques.
Ici aussi, le visiteur se rend compte de la complexité que représente la fabrication de cette fine tige de bambou teinte puis enduite d’une pâte d’encens qu’on fera sécher et durcir au soleil. Toutes les étapes sont encore manuelles, ou presque. Vous remarquerez également qu’il existe 3 types de bâtonnets d’encens : les grands, qu’on retrouvera dans les pagodes, les moyens trouvent leur place les temples ou maisons communes et les petits dans les familles.

En pratique : pour faire des clichés fabuleux de bouquets colorés et odorants de bâtonnets d’encens, rendez-vous rue Huyen Tran Cong Chua, à 7 kilomètres du centre-ville de Hue.

Les articles qui sont utiles pour votre excursion à Hue 

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