A part peut-être au niveau des pôles Nord et Sud, le coq et la poule forment un couple quasi universel, qu’on trouve depuis l’aube de l’humanité aussi bien dans la cour des fermes que dans les contes et légendes et bien entendu jusque dans les bols. C’est donc en leur compagnie que nous terminerons ce tour d’horizon des animaux présents dans la culture et dans la cuisine du Vietnam.
Nous ne succomberons pas à la tentation un rien futile de disserter sur qui, de l’œuf ou de la poule etc… Encore que – semble-t-il – le sujet soit clôt : ayant trouvé des œufs fossiles de dinosaures datant de 190 millions d’années, admettant que les Archæoptéryx, (communément reconnus comme étant les premiers oiseaux de l’univers et les premiers à porter un nom aussi compliqué), ont arpentés le Jurassique il y a environ 150 millions d’années, les scientifiques concluent que l’oiseau en général est apparu après l’œuf. Et de démontrer qu’en fait, les poules ne sont pas venues d’œufs de poule, mais d’un autre animal. Des presque-poulets ont un jour pondu un œuf qui contenait, suite à des mutations génétiques, un gallinacé tel qu’on le connaît. Faut-il voir ici l’origine du mysticisme qui auréole notre volatile ?
Dans les temps anciens, on ne badinait pas avec la dot de mariage. Pour vous donner une idée, il est rapporté qu’un roi Hung – le 18ème du nom – a proposé un coq comme dot pour trouver l’époux qui serait digne d’épouser sa fille. Mais attention, messieurs dames, pas n’importe quel coq ! Certes, l’animal arrivait en fin de liste : après les cent boules de «banh dày» (gâteaux de riz pilé de forme ronde)», les deux cents pâtés «banh chung» (gâteau de riz gluant farci de viande de porc et d’haricot mungo), après un éléphant à neuf défenses et un cheval à neuf crinières roses, celui qui, un jour, quelque part, finira planté au sommet d’un clocher d’église, se devait de fermer le ban avec panache. Ce qui fut fait en ayant la fantaisie d’entre coiffé de 9 crêtes. Le mariage n’est décidemment plus ce qu’il était. Ou alors – plus vraisemblablement - le coq en question possédait 6 ergots. Une race très rare, mais qu’un passionné élève depuis des années quelque part, dans la province méridionale de Tay Ninh (Il en existe aussi dans le Nord du Pays, du côté de Phu Tho et de Bac Giang).
Les principaux courants religieux du Vietnam et en particulier le culte de la Déesse Mère, des Trois Mondes et des Quatre Mondes donnent une place au coq dans leurs lieux de culte.
Associés à la fertilité, à la richesse du paysan, le coq et la poule et par extension le poulet, font partie des offrandes et rituels importants. Le coq fait son apparition sur les estampes Dong Ho dès le 11ème siècle. Plusieurs représentations sont très connues (et très demandées en période de fin d’année) : le couple «Vinh hoa» (gloire) et «Phu quy» (richesse) qui exprime ce que le coq symbolise et que les Vietnamiens s’approprient et se souhaitent pour la nouvelle année. Et aussi ces deux estampes, l’une mettant en scène un petit garçon étreignant un coq avec «Vinh hoa» écrit au-dessous et l’autre une petite fille embrassant un canard avec l’inscription «Phu quy», toutes deux reflétant le désir ultime de prospérité et de bonheur auquel aspirent les Vietnamiens.
Pris isolément, on prête à Maitre Coq la vertu de relier le monde des mortels et celui des génies, d’où son sacrifice, plus ou moins symbolique, lors de nombreuses fêtes, comme tout particulièrement celle du Tet du Nouvel An Lunaire. Pendant la période féodale, au banquet du Tet, on retrouvait d’ailleurs notre curiosité à 6 ergots, en compagnie de la tortue, de la foulque et des nids de salangane. Les banquets ne sont plus ce qu’ils étaient.
Bien souvent, une offrande, par ce qu’elle relève du sacré, est un sacrifice (ces deux termes ayant la même origine étymologique ; sacrifice : rendre sacré). Pour le réveillon du Nouvel An, ce sera donc un coq qui sera sacrifié et bouilli. Un coq car il est de nature yang-male, alors qu’un canard est de principe yin-femelle. Une fois sèches, les pattes de la bestiole serviront de base divinatoire : on observera en particulier de quel côté elle se tourne, de façon à prédire les affaires à venir pour la famille. On aura soin également de lui placer une rose rouge dans le bec et d’accompagner le tout d’un plat de riz gluant. On posera l’ensemble sur l’autel des ancêtres, et le temps qu’une baguette d’encens se consume, ce sont lesdits ancêtres qui participent au festin. Apres quoi, place aux vivants. Et là, inutile d’être devin ou de triturer les pattes de la bête décédée pour deviner la gourmandise derrière le moine qui a officié en psalmodiant :
«Dzing dzing ! Dzing dzing ! (je vous l’accorde, j’imite très mal le bruit des cymbales)
Offrez au Maître un coq castré.
Que l’assiette de riz gluant soit bien remplie.
Sinon les Génies Protecteurs du Maître n’interviennent pas en votre faveur ».
Peut-être le savez-vous : le calendrier astrologique vietnamien est caractérisé par un animal par an (sauf le dragon), dont le Coq, flanqué avant lui du singe et après lui, du chien. On prête aux natifs du Coq un tempérament de… coq de combat : déterminés et fiers, ils ont tendance à ne jamais lâcher l’affaire. Perfectionnistes, ils aiment repousser leurs propres limites, juste pour ne pas salir leur honneur. Dans le calendrier sino-vietnamien, l’heure du Coq (Dau) se situe entre 5 heures et 7 heures de l’après-midi, autrement dit au crépuscule, quand cet oiseau voit mal et se conduit de manière un peu bizarre. Comment s’étonner si certains s’empressent d’affubler notre gallinacé astrologique de désordres visuels et mentaux, vivant chichement de petits moyens comme la poule qui picore ?
Fin aout de cette année 2021, le ministère de l'Information et des Communications a émis une collection de quatre timbres représentant une série de races de poulets typiques du Vietnam. Au-delà du souhait avoué de vouloir sensibiliser à la biodiversité et à la nécessité de conserver les races, il faut y voir une sorte de consécration pour cet animal tellement dans notre quotidien qu’il est de toutes les situations ; je vous en liste quelques-unes, que vous vivrez peut-être lors de votre prochain voyage au Vietnam :
Quand quelqu’un a une mauvaise écriture (une écriture de chat ?), on dit qu’il écrit comme une poule qui picore (viet nhu ga boi). D’ailleurs, il y a peu, on conseillait aux étudiants en calligraphie chinoise de ne pas manger de pattes de poulet, de peur que leur main ne tremble (et le pinceau avec).
Un ancien dicton nous renseigné aussi sur la façon de savoir si un village est prospère ou non :
«Regarder les bambous si c’est le jour,
Écouter le chant des coqs si c’est la nuit».
… quand la densité des bambous et les chants vigoureux des coqs sont signes ostentatoires de richesse…
Dans le langage courant, on entendra : Me ga con vit (mère poule, enfant canard) désigne la femme qui élève les enfants d’un autre lit, tandis que Ga trong nuoi con (Coq qui élève des poussins) fait allusion à un veuf qui élève ses enfants. Il y aussi ces femmes qui se mêlent des affaires des hommes : elles sont comme une «poule qui pousse un cocorico de mauvais augure» (Ga mai gay go). Sans parler du blanc-bec qu’on aura l’élégance de comparer à un poussin dans son duvet (Ga moc long mang).
Pour l’anecdote, le poulet est la seule espèce de volaille répertoriée parmi les six animaux domestiques du pays. On le retrouve donc dans les familles vietnamiennes au même rang que les chiens, les buffles, les chevaux, les chèvres et les porcs.
Il ne vous aura pas échappé que cet article se terminera par deux recettes à base poulet. Tout d’abord, un classique :
Ingrédients pour 3 personnes
450 grammes poitrine de poulet ou ce que vous aimez, coupé en morceaux de la taille d'une bouchée
4 cuillères à café citronnelle émincée
25 grammes gingembre tranché
1/2 cuillère à café ail émincé ou ail en poudre
2 piments forts, épépinés, hachés ou tranchés (facultatif)
1 cuillère à café sel
1 cuillère à café assaisonnement aux champignons
2 cuillères à soupe rue
1 cuillère à soupe huile de cuisson (pas besoin ou moins si vous utilisez du poulet avec la peau)
1/2 cuillère à café poivre moulu
3/4 tasse eau chaude
Préparation
Faire mariner le poulet avec 2 cuillères à café de citronnelle hachée, 1/2 dose de gingembre, 1/2 cuillère à café de poudre d'ail, 1/2 cuillère à café de sel et un peu de 5 epices. Idealement 30 minutes au frais, si vous avez le temps.
Mettez la casserole sur le feu, ajoutez 1 cuillère à soupe d'huile de cuisson et 2 cuillères à soupe de sucre. Vous pouvez remplacer l'huile par de l'eau si vous utilisez du poulet avec la peau.
Il est recommandé de maintenir le feu à un niveau moyen ou inférieur car le sucre brûle très rapidement. Lorsque le sucre est dissous et devient doré, c'est prêt.
Pour éviter que le sucre ne brûle, ajoutez rapidement le reste de citronnelle, de gingembre et de piment et bien mélanger.
Ajouter le poulet mariné et faire sauter jusqu'à ce que la viande soit tendre.
Mettez dans 3/4 tasse d'eau chaude, ajoutez 1/2 cuillère à café de sel, 1/2 cuillère à café de sucre ou augmentez ou diminuez les 3 assaisonnements selon votre goût. N'oubliez pas que le bouillon de poulet sera plus riche une fois terminé car la vapeur s'évapore. Couvrir et cuire 20 minutes.
Après les 10 premières minutes, ouvrez le couvercle pour retourner la viande afin de permettre aux épices de s'imprégner uniformément.
10 minutes plus tard, lorsque la viande est cuite, tendre, avec une une belle couleur brun doré, ouvrez le couvercle et augmentez le feu pour laisser la vapeur s'envoler, laisser le bouillon de poulet s'épaissir selon votre goût.
Éteindre le feu, ajouter 1/2 cuillère à café de poivre moulu et bien mélanger.
Se déguste avec gourmandise et un riz blanc
La recette qui suit est plutôt un plat d’automne. Il y a une version avec petites pommes rouges et longanes… je vous propose la version simple (!)
Ingrédients
(A moduler en fonction du nombre de convives)
Viande de poulet : 1 kg
Graines de lotus (facultatif, mais c’est tellement bon) : 100 g
Citrouille : 1
Ail
Eau de coco
Épices : sucre, sel, 5 épices (pour la marinade), huile de cuisson….
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Préparation
Nettoyer le poulet, le couper en morceaux de la taille d'une bouchée. Eplucher, laver et couper en bouchées la citrouille.
Mettre le poulet à mariner dans un bol avec les 5 épices, un peu de sel, de poivre et de sauce de poisson (comme d’habitude pour une marinade, idéalement 30 mn au frais)
Faire revenir l'ail émincé avec un peu d'huile de cuisson, puis ajouter la courge et la faire faire sauter joyeusement, retirer et réserver.
Y ajouter le poulet puis faire sauter rapidement pour diffuser les épices. Il est temps ensuite d’ajouter l'eau de coco, le potiron, les graines de lotus et un peu d'eau, puis de faire bouillir tout ce beau monde à feu doux. Cuire jusqu'à ce que les graines de lotus et le poulet soient tendres, assaisonner au goût, on peut arrêter la cuisson.
Lorsque la courge et le poulet sont cuits, mettez-les dans un bol et décorez avec quelques tiges de coriandre ou de cébette
J’aurais pu vous parler de l’incroyable poulet Dong Tao ou du porridge au poulet (un des pêchés mignons de l’auteur de ces lignes), une autre fois, peut-être…
Le poulet dans la cuisine Vietnamienne
=> Salade de poulet au chou au Vietnam
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